Le blog d'Yves Ballu, Cairn

L'heure des comptes par Christian Greiling, zélote de l'Annapurna.

CG

 

C'est le 20 décembre dernier que le GHM a invité Christian Greiling à faire une conférence (Internet) sur le thème de "Annapurna 1950, un exploit français sous le feu de la cancel culture". L'occasion pour le conférencier de régler ses comptes avec les "complotistes" contre lesquels il a pris la tête d'une croisade exterminatrice. L'occasion également pour la douzaine de participants, dont je faisais partie, de poser des questions. Philippe Regottaz nous a ensuite adressé le message suivant :

Bonjour Yves et Christian,

La conférence d'hier soir était intéressante.

Mais ne faudrait-il pas publier, dans un seul dossier cosigné Ballu & Greiling, les différents articles publiés avant la parution du bestseller en décembre 1951, ainsi que les correspondances et notes de Rébuffat et Lachenal, cela permettrait au lecteur de constater les évolutions (et les éventuelles contradictions) des avis et récits des différents intervenants ? 

Bien à vous.

PR

***

Je lui ai répondu :

Salut Philippe,

Pourquoi pas, l’idée me parait même excellente. Mais en l’état, il m'est difficile de collaborer avec quelqu'un qui m'insulte, m'accuse de malhonnêteté et parle de mes "petites saloperies". Si Greiling 1.0 persiste, je m'en tiendrai là. N'ayant pas beaucoup de goût pour la polémique, je lui laisserai le loisir de poursuivre les "renégats", les "complotistes", les "conspirationistes", les "cabalistes", les membres de la "cancel culture", avec leurs relents de "wokisme". Greiling 1.0 s’érige en « historien », mais il est capable d'insulter, de condamner, de supputer sur les intentions des uns et des autres. Au cours de sa conférence, il a dit : « Un historien ne doit pas faire ça ». Mais je n’ai pas compris si cette recommandation s’adressait à d’autres ou…. à lui-même.

Florilège :

-   "Yves Ballu trop heureux de voir une calomnie supplémentaire frapper l'expédition" (Comment Greiling est-il renseigné sur mes états d’âme ??)

-   Le sommet : "Ballu a longtemps laissé planer le doute sans prendre vraiment parti. L’un de ses objectifs étant de vendre son livre « La conjuration du Namche Barwa (Glénat 2008), qui traite d’une tricherie au sommet et fait le parallèle avec l’Annapurna 1950 […] Son livre commençant à vieillir, il n’est plus vraiment utile de douter du succès de l’Annapurna" (Quelle absurdité ! J’aurais attendu 25 ans avec cette arrière-pensée ! Dans mon roman, j’évoque Maurice Herzog : « Charismatique chef d’expédition, qui a payé si cher cette héroïque victoire française sur le premier 8 000 vaincu par l’homme. ») Où est le doute ?

-   « Ballu a pris ses aises avec la vérité, voire inventé certains passages ». « Les témoignages de Rébuffat sont souvent réécrits de manière acrobatique par Ballu pour en détourner le sens ». Greiling a-t-il trouvé un seul témoignage original de Rébuffat qui ne correspondait pas à la virgule près à la « réécriture » de Ballu ? M’a-t-il demandé de lui fournir une copie des textes originaux de Gaston Rébuffat pour les comparer avec mes citations avant d’avancer cette accusation nauséabonde ? Un historien digne de ce nom l’aurait fait.

-    « La production de Ballu est indigente et comporte un nombre incalculable de mystifications ». Greiling peut-il citer une seule « mystification » ?

Pour le reste, Greiling 1.0 commet un certain nombre d’erreurs :

-  Le contrat signé par les membres de l'expédition (en mars 1950) soi-disant en application d'un contrat signé avec les éditions Arthaud. Sauf que le contrat Arthaud qu'il a montré au cours de sa conférence date de février... 1951! Confronté à cette erreur grossière sur la chronologie des contrats, qui réduit à néant sa démonstration magistrale, il s’embrouille et finit par évoquer un soi-disant « contrat moral » qui n’a laissé aucune trace… Ben voyons…

-     Il affirme que le manuscrit de Lachenal a été caviardé par Lucien Devies et Gérard Herzog. C’est faux : il l’a été par Lucien Devies et Maurice Herzog, les seuls qui ont annoté ce manuscrit (j'en possède une copie que m’a donnée Rébuffat. Cela prouve incidemment que Maurice Herzog n’était pas le seul à posséder ce manuscrit – une évidence). Il s’embrouille encore en expliquant que c’est Gérard Herzog qui a écrit le livre. Soit. Mais cela ne change rien au fait que le caviardage est bien l’œuvre exclusive de Lucien Devies et Maurice Herzog.

-    La confusion (ou la fusion) entre colonialisme et racisme. J’ai en effet évoqué une conquête à caractère colonial, s’agissant d’une expédition nationale, présentée comme telle (avec les drapeaux) sur un sommet vierge. Un argument que j’ai trouvé renforcé par la présentation liminaire de Greiling  sur l’expédition de l’Annapurna que je trouve pertinente : une terra incognita qu’aucune nation n’avait auparavant explorée, le seul sommet qui n’avait jamais été tenté auparavant. Et aussi dans cette confidence de Maurice Herzog (dans « Renaitre ») : « Pour l'alpiniste, son piolet est l'épée du légionnaire ». Le légionnaire n’est-il pas un soldat ? Au demeurant, colonialisme ne me parait pas péjoratif remis dans le contexte de l’époque. Mais en aucun cas je n’ai parlé de racisme. Cela n’a strictement rien à voir.

-    J’ai joué « l’arbitre des élégances » en affirmant que le choix de Maurice Herzog comme chef d’expédition était un choix d’évidence. Pourquoi « arbitre des élégances » ? Je n’ai jamais pensé, ni dit autre chose.

-     J’ai versé « des larmes de crocodile sur les insomnies de Rébuffat ». Pourquoi cette remarque polémique ? Dans la biographie que je lui ai consacrée, j’ai cité des passages de lettres écrites par Gaston Rébuffat à sa femme Françoise pendant l’expédition. Il s’agit donc bien là de Rébuffat 1.0.  On perçoit en creux un personnage inquiet de ses petits bobos, de sa digestion, de ses diarrhées, de ses insomnies, de ses gelures, qui se plaint de ses méchants camarades (en particulier Marcel Schatz, mais pas seulement) : « Je n’ai même pas un ami […] Ils ont l’air si à l’aise dans leur égoïsme. Entre nous, nous n’avons pas d’élan, seulement des politesses nécessaires. Quelle hypocrisie ! ». A travers ces confidences, on imagine que Rébuffat n’a pas toujours été un camarade très agréable : « L’aventure, l’action, le paysage ne m’ont rien apporté […] Depuis que j’ai quitté Chamonix, je suis une machine qui se règle sur les autres, qui fait ce que le chef ordonne, je marche quand on me le dit, je m’arrête quand on me le dit, l’autre jour, j’ai même ciré les chaussures d’Herzog » […] « Ce que j’en ai marre ! ». Greiling aurait pu saluer le travail du biographe qui a eu la chance de découvrir des documents exceptionnels (en particulier le journal de Rébuffat) et qui rapporte ce témoignage à la fois émouvant et d’un grand intérêt : du vécu sur l’instant, de l’authentique. Les autres membres de l’expédition ont-ils adressé des courriers intimes à leurs proches ? Sans doute. Et on y trouverait probablement des témoignages également très intéressants.

-     A propos de la séquence des drapeaux, j’ai rapporté cette confidence de Rébuffat : «Ah, si Herzog au lieu de perdre ses gants avait perdu les drapeaux, comme j’aurais été heureux ! ». Commentaire de Greiling : « Le Messie en question n’était toutefois pas exempt de contradiction si l’on en croit le grand drapeau français qu’il exhibait fièrement dans les Alpes quelques années avant l’Annapurna ». Où est la contradiction du « Messie » ? Sur la photo, Gaston Rébuffat pose avec un commando d’une dizaine de combattants armés, ayant pris le maquis pour défendre nos frontières. Il porte en effet un drapeau français. A ma connaissance, c’est la seule fois où Rébuffat a arboré un drapeau sur un sommet. Comparer les deux photos est une insulte à la mémoire de Gaston Rébuffat. Je ne suis pas là pour la défendre. Mais c’est aussi une grossière méconnaissance de l’histoire. C’est pourquoi je la relève.

-     J’ai également évoqué l’animosité (le mot est sans doute faible) de Gaston Rébuffat vis-à-vis de Maurice Herzog (après l’Annapurna, car avant, ils s’entendaient bien, au point que Maurice Herzog a écrit des chapitres du premier livre de Rébuffat « L’apprenti montagnard » paru en 1946). Mais ensuite, Rébuffat n’a pas supporté « l’héroïsation ». Il était exaspéré de voir Herzog décrit comme « L’homme-roi conduit par une volonté farouche qui s'élève plus haut que tous les êtres de la création » (Marcel Ichac dans « Le messager » du 10 juillet 1953), ou comme le « surhomme en crampon » fustigé par la revue Time à la même époque : « A partir des superbes vues rapportées par Ichac, on a réalisé une histoire qui dégénère en sentimentalisme et fait de Maurice Herzog une sorte de surhomme en crampons ». Il l’a écrit dans de nombreuses notes non publiées (pourquoi non publiées ? Je pense pour ne pas faire scandale, ce dont sa femme Françoise l’a toujours dissuadé, et sans doute aussi conscient que face à Maurice Herzog, il n’aurait pas fait le poids dans les médias) : « Accepter d'être qualifié de héros après l'Annapurna, pour ma part, m'a toujours révolté, et d'une manière générale, m'apparaît comme un grave manquement, par ailleurs lourd de conséquences car il a faussé beaucoup de choses à la déontologie de l'alpinisme ».

-     Enfin, Greiling ne parle jamais de Herzog 2.0. Celui de « Renaitre » qui se mue en Indiana Jones racontant : « Un aigle d'envergure colossale tenta ainsi de m'enlever en m'agrippant dans ses serres » ou « Les serpents venimeux étaient légion. » ou « Tout à coup, je vis un tigre, attiré par l'odeur forte de mes plaies gangrenées, bondir au travers de la baie au-dessus de moi et ressortir par celle d'en face. Il m'avait frôlé de si près que j'aurais pu le toucher en allongeant le bras. » ou ce morceau de bravoure des asticots sauteurs : « Dans la salle d'opération, le Pr. Ménégaux, une vieille connaissance de ma famille, et le Dr Jacques Oudot étaient flanqués d'autres médecins, d'anesthésistes-réanimateurs, d'instrumentistes, d'assistants et d'infirmières. C'était la mobilisation générale. […] Sans tarder, les infirmières, comme les abeilles autour d'une ruche, décollèrent et déroulèrent les bandes Velpeau qui enveloppaient mes membres. Quelques jets d'eau distillée par-ci, par-là, facilitaient la tâche. - Mesdemoiselles, merci. Laissez-moi maintenant, demanda le professeur. Maurice, soyez courageux, je me charge des dernières gazes... Chacun avait les yeux vissés, qui sur mes pieds, qui sur mes mains. Soudain, ce ne fut qu'un cri. Un cri d'horreur ! - Attention ! hurlait-on à la ronde. Il y eut un brouhaha. Médecins, soignants et autres opéraient une retraite précipitée. Une explosion n'eût pas provoqué plus de chaos. Plaqués contre les murs pour se protéger, les visages grimaçaient de dégoût. - Ils sautent ! Ils sautent ! Des asticots énormes, doués d'une vigueur peu commune, brutalement libérés, bondissaient en tous sens. Ils prenaient pour cible ces hommes et ces femmes, et les condamnaient à se défendre. » Ben voyons…

Concernant l’article que j’ai publié dans la revue « La montagne » en 1981, il ne s’agit évidemment pas d’un travail d’historien. C’est un billet opposant deux points de vue qu’on pouvait entendre – je les ai entendus – et que j’ai repris sous la forme d’un dialogue. Il a eu le mérite de rendre public un débat qui existait dans le milieu de la montagne, comme en témoigne Claude Deck, cité par Greiling :"C'est incontestablement Rébuffat, ses amis et anciens clients qui ont alimenté et entretenu l'affaire, mais en restant dans le petit millieu de la montagne, dans l'entre soi et dans le non dit, Ballu est à l'origine des polémiques s'adressant au grand public". Nier ce débat est aussi absurde que d’ignorer l’éclipse de Louis Lachenal dans l’histoire, laquelle histoire n’a retenu que le nom d’Herzog. Cet article a été écrit en 1981, soit trente ans après le déferlement médiatique de l'Annapurna. Peu de gens se souvenaient de Lachenal. Il suffisait d’interroger le grand public.

J’admets tout de même une erreur que Greiling a judicieusement relevée : j’ai affirmé à tort que Rébuffat n’avait évoqué l’Annapurna que dans un livre. C’est faux, il en a parlé dans deux autres ouvrages. Dont acte.

Si Greiling 2.0 est prêt à reconnaitre certaines erreurs, s’il admet que j'ai été le biographe honnête et scrupuleux de Rébuffat et qu'il cesse de me considérer comme son porte-parole, s'il cesse de m'accuser d'avoir travesti, voire d'avoir inventé les propos que je rapporte de Rébuffat, s’il cesse de me traiter de crabe, alors, je suis prêt à co-publier quelque chose avec lui. L’idée me parait même excellente, d’autant qu’il m’est apparu plutôt sympathique lors de sa conférence.

 Yves

 ***

Réponse de Christian Greiling :

Il semble qu'après avoir baratiné pendant des décennies, Ballu 0.0 ne sache plus trop comment se défendre et se ridiculise en s'inventant des rôles différents. "Oui j'ai enfilé les perles mais c'était le polémiste qui parlait, pas l'historien". A pleurer de rire... 😅

Pas eu le courage d'aller plus loin que cette énormité :

Le contrat signé par les membres de l'expédition (en mars 1950) soi-disant en application d'un contrat signé avec les éditions Arthaud. Sauf que le contrat Arthaud a été signé un an plus tard, en... février 1951)! Confronté à cette erreur grossière sur la chronologie des contrats, qui réduit à néant sa démonstration magistrale, il s’embrouille et finit par évoquer un soi-disant « contrat moral » qui n’a laissé aucune trace… Ben voyons…
Je ne m'embrouille pas, petit père, tout est dans mon bouquin : ce contrat définitif, signé le 2 février 1951, après le retour du Népal, fait suite au pré-contrat établi auparavant : « Dès avant le départ, sans assurance de réussite, la FFM signe un accord avec les éditions grenobloises Arthaud pour le récit de l’expédition. »107 C’est d’ailleurs confirmé par Herzog : « Les éditions Arthaud avaient un contrat préalable qui leur garantissait qu’un livre serait écrit – on ne savait pas encore par qui. Pendant un certain nombre d’années […] ils avaient l’exclusivité de ce texte. Et il n’était pas admis de notre côté d’écrire un autre livre, ni aux membres de l’expédition, ni au Comité de l’Himalaya lui-même. C’est ainsi que nous avons tous signé des contrats pour abandonner les droits de ces livres, et s’interdire d’en publier sans autorisation. »Tout ceci est parfaitement corroboré par les archives. La période de cinq ans n’est pas une sombre machination visant à asseoir le statut d’Herzog en réduisant ses compagnons au silence, mais une simple obligation contractuelle exigée par la maison d’édition avant même le départ de l’expédition, comme cela se faisait partout ailleurs. Les théoriciens du complot doivent tomber de haut…

Votre mauvaise foi est indécente. Mais somme toute logique puisque vous essayez désespérément de sauver la face après les multiples conneries que vous avez proférées pendant des années. Maintenant arrive l'heure des comptes et vous paniquez. Pauvre homme, je vous plains...

NB : pas la peine de répondre

 

CG 2

 

 

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Annapurna : Maurice Herzog victime de la cancel culture ? Greiling et ses thuriféraires en croisade.

Maurice Herzog a-t-il encore besoin de ces thuriféraires qui célèbrent ad nauseum le culte du « héros de l’Annapurna » ? Après le livre récent de Greiling « Annapurna 1950, un exploit français sous le feu de la cancel culture », et l’article de Prieur « Annapurna, la conjuration du cinquantenaire » (paru dans la revue Cimes 2015 du GHM), évoquant « conspirations », « cabales », « conjurations », la question se pose. Qui reste-t-il à convaincre ? Personne ou presque. Maurice Herzog reste et restera pour les générations à venir celui qui, au prix d’un engagement héroïque, a rapporté une belle victoire à la France. Mais il reste encore quelques hérétiques qui refusent de communier à l’eucharistie annapurnienne. Des complotistes, des renégats, des « destructeurs de l’Annapurna », des membres de la cancel culture (« avec ses relents de wokisme »), réfractaires à l’héroïsation, qu’il faut clouer au piloris ! J’en fais partie, et à ce titre, j’ai eu droit aux pétards mouillés de Greiling.

Florilège :

-          A propos d’une erreur sur la date de la signature du contrat Annapurna commise par David Roberts dans son livre « Une affaire de cordée »[1], docteur Greiling se lance daus un numéro de psychanalyse : « Yves Ballu a fait le choix de ne pas tomber dans une désinformation aussi grossière et précise que Rébuffat a effectivement signé le contrat trois jours avant le départ. Cependant, visiblement trop heureux de voir une calomnie supplémentaire frapper l’expédition, il s’est toujours bien gardé de démentir publiquement la mystification de Roberts ». Voilà un argument d’une haute tenue intellectuelle : un bon point pour avoir donné la bonne information, un mauvais pour n’avoir pas corrigé les erreurs des autres ! Ben oui… j’avoue que je n’avais pas noté la « mystification » de David Roberts en parcourant son livre, ( « Annapurna, une affaire de cordée » (Guérin 2000)), et quand bien même je l’aurais remarquée, je ne réagis pas aux calomnies réelles ou supposées concernant Maurice Herzog – qui ne me rendent ni heureux ni malheureux. J’en laisse le soin – et le plaisir- à ses thuriféraires.

-          Le sommet : Herzog et Lachenal y sont-ils parvenus ? Nouvelle introspection du docteur Greiling décortiquant les méandres de la pensée ballusienne, avec une créativité que je lui envie. Quel romancier, quelle imagination, quelle audace ! Jugez plutôt : « Ballu a longtemps laissé planer le doute sans prendre vraiment parti. ». Jusque là, il s'agit d'un simple mensonge - un de plus. C'est la suite  qui vaut son pesant de cacahuètes :"L’un de ses objectifs étant de vendre son livre « La conjuration du Namche Barwa (Glénat 2008), qui traite d’une tricherie au sommet et fait le parallèle avec l’Annapurna 1950 […] Son livre commençant à vieillir, il n’est plus vraiment utile de douter du succès de l’Annapurna ». Elémentaire, mon cher Watson ! Sauf que ceux qui ont lu « La conjuration du Namche Barwa » apprécieront le sérieux d’un tel attrape-nigaud (un de plus…). Pour les autres, voici un extrait de « La conjuration du Namche Barwa »(page 40) : « Le président Laurier s’est fait l’interprète de toute l’assemblée pour rendre hommage aux vainqueurs de l’Annapurna : « Des hommes dont l’héroïsme a suscité l’admiration de la France et du monde. » Il s’est adressé personnellement à Maurice Herzog : « Charismatique chef d’expédition, qui a payé si cher cette héroïque victoire française sur le premier 8 000 vaincu par l’homme. » Il a également salué Lucien Devies, son prédécesseur à la tête de la Fédération française de la Montagne : « Cette première conquête d’un sommet de 8 000 mètres est votre œuvre, cher Président. C’est vous qui l’avez conçue depuis l’origine. C’est vous qui l’avez voulue et organisée avec une maîtrise et une abnégation qui, à quinze ans de distance, suscitent une admiration unanime. » J'ai pris le soin d'ajouter une note en bas de page qui laisse peu de place au doute : « L’expédition française à l’Annapurna comprenait Maurice Herzog (chef d’expédition), Louis Lachenal, Lionel Terray, Gaston Rébuffat, Jean Couzy, Marcel Schatz, Jacques Oudot (médecin) et Marcel Ichac (cinéaste et photographe). C’est le 3 juin 1950 que Maurice Herzog et Louis Lachenal sont parvenus au sommet du premier 8000 jamais conquis par l’homme. Lucien Devies, alors président de la Fédération française de la Montagne fut le concepteur de ce qui reste encore aujourd’hui un succès majeur de l’alpinisme français, et un modèle d’organisation ». Où plane le doute ?

-          J’ai joué « l’arbitre des élégances » en affirmant que le choix de Maurice Herzog comme chef d’expédition était un choix d’évidence. Pourquoi « arbitre des élégances » ? Je n’ai jamais pensé, ni dit autre chose.

-          J’ai versé « des larmes de crocodile sur les insomnies de Rébuffat » dans la biographie que je lui ai consacrée. Des larmes de crocodile ?... En lisant cette biographie « Gaston Rébuffat, une vie pour la montagne » avec un minimum d’honnêteté et d’intelligence, on perçoit en creux un personnage inquiet de ses petits bobos, de sa digestion, de ses diarrhées, de ses insomnies, de ses gelures, qui se plaint de ses méchants camarades (en particulier Marcel Schatz, mais pas seulement) : « Je n’ai même pas un ami […] Ils ont l’air si à l’aise dans leur égoïsme. Entre nous, nous n’avons pas d’élan, seulement des politesses nécessaires. Quelle hypocrisie ! ». A travers ses confidences, on imagine que Rébuffat n’a pas toujours été un camarade très agréable : « L’aventure, l’action, le paysage ne m’ont rien apporté […] Depuis que j’ai quitté Chamonix, je suis une machine qui se règle sur les autres, qui fait ce que le chef ordonne, je marche quand on me le dit, je m’arrête quand on me le dit, l’autre jour, j’ai même ciré les chaussures d’Herzog » […] « Ce que j’en ai marre ! ». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu'à travers ces passages extraits de sa biographie, Rébuffat n’apparait pas sous son meilleur jour. Où sont les larmes du biographe ?

-          J’ai pris mes « aises avec la vérité ». « Les témoignages de Rébuffat sont souvent réécrits de manière acrobatique par Ballu pour en détourner le sens ». Evidemment, quand les témoignages de Rébuffat dérangent, il ne reste plus qu’à en contester l’authenticité en mettant en doute l’honnêteté du biographe qui les a rapportés. C’est le dernier argument, celui du fond de la poubelle. Le plus nauséabond. Je n’ai évidemment pas réécrit les témoignages de Rébuffat que j’ai restitués à la virgule près. Je les tiens à la disposition des thuriféraires qui m’accusent de malhonnêteté. S’ils trouvent la moindre erreur de transcription, j’accepterai d’être traité de malhonnête. Dans le cas contraire, je leur retournerai le compliment.                     

-          Le « pseudo oubli de Lachenal au sommet » qui relève du « charlatanisme ». [2] Encore aujourd’hui, si on interroge dans la rue, on a des chances d’avoir la bonne réponse à la question : « Qui a vaincu l’Annapurna en 1950 » : Maurice Herzog. Et à la question : « Il était avec qui ? »… Combien de réponses : « Louis Lachenal » ? La mémoire collective n’a pas oublié le nom du « vainqueur de l’Annapurna ». Elle ignore celui de son compagnon. Elle l’a toujours ignoré. Affirmer cette évidence, voire la suggérer relèverait du charlatanisme ? Et la contester, ça relève de quoi ?... Allez, j’ose le mot : char-la-ta-nis-me..

-          J’aurais été un élément précurseur de la « cancel culture » annapurnienne ? Pourquoi pas. Mais contrairement à ce qui est écrit par Greiling, je n’ai pas été « le premier guérillero à planter ouvertement sa banderille ». Bien avant moi, le journal britannique Time avait osé écrire : « A partir des superbes vues rapportées par Ichac, on a réalisé une histoire qui dégénère en sentimentalisme et fait de Maurice Herzog une sorte de surhomme en crampons ». Par contre, je crois avoir été le premier à rendre compte des sentiments d’exaspération que nourrissait Gaston Rébuffat à l’encontre de son ancien chef d’expédition. Il m’aurait été difficile d’écrire sa biographie en les passant sous silence. En dépit de l’appréciation peu amène de Greiling (« La production de Ballu est indigente et comporte un nombre incalculable de mystifications »), je crois avoir été un historien honnête et sérieux dont la production a été distinguée par quelques prix littéraires [3]. Les reproches qui pourraient être faits à Rébuffat (il en mérite certainement), fussent-ils fondés sur la biographie que je lui ai consacrée, ne me concernent pas.

*

Pour le reste, je ne vais pas relever toutes les erreurs, les outrances, les inepties, les contradictions parfois stupéfiantes qui truffent le pamphlet de Greiling et suent les « haines personnelles ». Juste deux :

-          Le terme de « nazification » n’est pas une réécriture tardive de l’histoire. Il figure dans le journal de Rébuffat à la date de la prestation de serment. Un engagement qui, à l’évidence, l’a mis mal à l’aise, ne serait-ce que dans sa forme quelque peu martiale.

-          Les drapeaux brandis par Maurice Herzog au sommet de l’Annapurna. J’ai cité Rébuffat : « Ah, si Herzog au lieu de perdre ses gants avait perdu les drapeaux, comme j’aurais été heureux ! ».(J'aurais pu citer la suite :"N'ayant pas perdu ses gants, il aurait encore ses doigts, et ayant perdu les drapeaux, il n'y aurait pas eu les photos de vanité au sommet").

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Commentaire de Greiling : « Le Messie en question n’était toutefois pas exempt de contradiction si l’on en croit le grand drapeau français qu’il exhibait fièrement dans les Alpes quelques années avant l’Annapurna ». En effet, Gaston Rébuffat s’est fait photographier avec un grand drapeau français. Mais… c’était effectivement quelques années avant l’Annapurna : c’était pendant la guerre. Cette photo est celle d’un commando d’une dizaine de combattants armés, ayant pris le maquis pour défendre nos frontières. A ma connaissance, c’est la seule fois que Rébuffat a arboré un drapeau français sur un sommet. Faire un rapprochement entre cette photo de guerre et celle d’Herzog au sommet de l’Annapurna est au mieux une ânerie, au pire une… comment dit-on ? Une… forfaiture.                                                                                                           

 

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Concernant Maurice Herzog.

-          Herzog, non seulement était le chef évident de cette expédition composée de guides et d’alpinistes aux personnalités affirmées, mais il a parfaitement rempli sa mission. Il l’a fait non seulement en l’organisant mais aussi en payant (cher) de sa personne pour en assurer le succès.

-          Je n’ai jamais remis en question le sommet. Certes les photos ne prouvent rien : elles n'ont pas été prises au sommet, et c'est sans doute en voulant en faire des preuves qu'on a semé le doute. Mais j’ai toujours considéré que Herzog et Lachenal étaient dignes de confiance et j'ai toujours été persuadé qu'ils avaient bien été au sommet de l’Annapurna. Au demeurant, la proposition d’Herzog faite à Terray et Rébuffat d’y aller à leur tour le lendemain, même si elle traduit une perte de conscience des réalités, renforce ma conviction : il n'aurait pas pris le risque de leur faire voir des traces inabouties.

-          Par la suite, Maurice Herzog s’est persuadé, fortement encouragé par son entourage, et particulièrement par Lucien Devies ingénieur en chef de l’expédition nationale à l’Annapurna, qu’il en était le héros. Sa vie durant, il est resté confit en autodévotion. Malheureusement, son entourage n’a pas su, ou pas pu, le convaincre de rester dans les limites de la décence par exemple dans sa préface à la réédition de « Annapurna premier 8000 » (Editions Arthaud 2000) où il résume la conquête des 8000 en un jugement lapidaire : « Certes, tous les 8 000 de la Terre ont été conquis depuis lors. Mais sans vouloir diminuer le mérite de leurs vainqueurs, ils apparaissent néanmoins comme récurrents. » (Herman Buhl a dû se retourner dans sa tombe…). Personne non plus n’a réussi à le dissuader de réécrire son histoire encore et encore en l’enjolivant à chaque fois un peu plus, quitte à franchir les limites du vraisemblable – voire du ridicule. Par exemple dans « Renaitre » paru en 2007, on peut lire sous sa plume : « En bravant l'inconnu et non seulement l'adversité, je me sentais l'élu de Dieu ». Ou encore (page 29): « Pour l'alpiniste, son piolet est l'épée du légionnaire. Dois-je ajouter qu'un piolet est aussi une croix ? » N’en déplaise à ses thuriféraires, « l’épée du légionnaire » évoque bien une conquête militaire. On n’est pas très loin du colonialisme… On trouve également quelques péripéties inédites. On apprend ainsi que Maurice Herzog a failli être emporté par un aigle (page 31): « Un aigle d'envergure colossale tenta ainsi de m'enlever en m'agrippant dans ses serres » ou qu’il a échappé à une légion de serpents (page 33): « Les serpents venimeux étaient légion. » ou qu’il a failli être dévoré par un tigre (page 35): « Tout à coup, je vis un tigre, attiré par l'odeur forte de mes plaies gangrenées, bondir au travers de la baie au-dessus de moi et ressortir par celle d'en face. Il m'avait frôlé de si près que j'aurais pu le toucher en allongeant le bras. » enfin, ce morceau de bravoure des asticots sauteurs qui s’attaquent aux hommes et aux femmes, « les condamnant à se défendre » ! Comme pour Rébuffat, je cite scrupuleusement, en me gardant bien de « réécrire de manière acrobatique » le texte original (page 40): « Dans la salle d'opération, le Pr. Ménégaux, une vieille connaissance de ma famille, et le Dr Jacques Oudot étaient flanqués d'autres médecins, d'anesthésistes-réanimateurs, d'instrumentistes, d'assistants et d'infirmières. C'était la mobilisation générale. […] Sans tarder, les infirmières, comme les abeilles autour d'une ruche, décollèrent et déroulèrent les bandes Velpeau qui enveloppaient mes membres. Quelques jets d'eau distillée par-ci, par-là, facilitaient la tâche. - Mesdemoiselles, merci. Laissez-moi maintenant, demanda le professeur. Maurice, soyez courageux, je me charge des dernières gazes... Chacun avait les yeux vissés, qui sur mes pieds, qui sur mes mains. Soudain, ce ne fut qu'un cri. Un cri d'horreur ! - Attention ! hurlait-on à la ronde. Il y eut un brouhaha. Médecins, soignants et autres opéraient une retraite précipitée. Une explosion n'eût pas provoqué plus de chaos. Plaqués contre les murs pour se protéger, les visages grimaçaient de dégoût. - Ils sautent ! Ils sautent ! Des asticots énormes, doués d'une vigueur peu commune, brutalement libérés, bondissaient en tous sens. Ils prenaient pour cible ces hommes et ces femmes, et les condamnaient à se défendre. » Ben voyons…

 

 

MAURICE HERZOG A-T-IL ETE INJUSTE ?

Le premier paragraphe de cette lettre que j'ai adressée à Maurice Herzog en 2000.  n'accrédite pas vraiment les supputations de Greiling concernant le sommet :"Ballu a longtemps laissé planer le doute sans prendre vraiment parti. L’un de ses objectifs étant de vendre son livre « La conjuration du Namche Barwa (Glénat 2008)."

Monsieur Herzog,

Les « noces d'or » de l'Annapurna sont l'occasion de revenir sur un événement majeur de l'alpinisme dont vous êtes aujourd'hui le dernier acteur vivant. Sous les yeux de la France entière tenue en haleine par une célébration médiatique sans précédent, vous avez, il y a cinquante ans, gravi le premier des quatorze sommets de 8000 mètres que notre bonne vieille terre offrait à l'ardeur conquérante des meilleurs alpinistes. Votre rôle dans ce succès important est indéniable, votre charisme, votre remarquable résistance aux conditions extrêmes de la très haute montagne, qui vous a permis de soutenir la comparaison avec les meilleurs guides français de l'époque ont été reconnus unanimement.

Auréolé de gloire et de bravoure, vous avez été tout à la fois le « vainqueur de l’Annapurna », le chef d'expédition, son historien exclusif (un contrat signé au départ interdisant aux autres membres de l'expédition de publier quoi que ce soit pendant 5 ans), et l'hagiographe de votre propre épopée. Aujourd'hui, le sort vous a désigné comme le « dernier vivant », vous offrant la possibilité de compléter votre récit original, voire de le modifier sans risque d'être démenti par les autres alpinistes de l'expédition tous disparus.

Permettez-moi d'évoquer deux de ces compagnons, Gaston Rébuffat et Louis Lachenal.

J'ai eu le privilège de bien connaître le premier et de recueillir ses confidences sur cet épisode important dans sa vie d'homme. Je peux vous dire qu’il en a été profondément affecté. Il me l'a dit à maintes reprises, me l'a écrit, m'a donné certains documents éclairant cette expédition d'un jour nouveau. Plus encore que cette captation de notoriété qui a fait de vous « le vainqueur de l'Annapurna », éclipsant totalement votre compagnon de cordée Louis Lachenal, ce que Rébuffat ne pouvait accepter, c'est le dévoiement des valeurs de l'alpinisme - essentielles à ses yeux – leur perversion même qui l’a choqué. Le jour où il a dû comme tous les membres de l'expédition, et devant eux, vous prêter serment d'obéissance, il a noté écœuré : « Dépersonnalisation… légère nazification… ». Au retour de l'expédition, il a été indigné de voir l'ascension à laquelle il avait participé, présentée sous un jour aussi éloigné de sa propre éthique. Il était exaspéré de vous voir décrit comme «L'homme-roi conduit par une volonté farouche qui s'élève plus haut que tous les êtres de la création » (Marcel Ichac dans « Le messager » du 10 juillet 1953), ou comme le « surhomme en crampon » fustigé par la revue Time (« A partir des superbes vues rapportées par Ichac, on a réalisé une histoire qui dégénère en sentimentalisme et fait de Maurice Herzog une sorte de surhomme en crampons »). Il n'a jamais partagé votre philosophie « victoriste »: « Accepter d'être qualifié de héros après l'Annapurna, pour ma part, m'a toujours révolté, et d'une manière générale, m'apparaît comme un grave manquement, par ailleurs lourd de conséquences car il a faussé beaucoup de choses à la déontologie de l'alpinisme », m'a-t-il confié, ajoutant : « Ah, si Herzog au lieu de perdre ses gants, avait perdu les drapeaux, comme j’aurais été heureux ! » ... Devant un public enthousiaste, dont faisaient partie le président de la République et cinq de ses ministres, il a dû se produire avec vous sur la scène de la salle Pleyel, mais il n'a pas communié à l'eucharistie annapurnienne: « Est ce que le mythe du héros serait fondé sur les pieds et les mains gelés ? », s'interrogeait-il refusant de partager cette gloire collective, de monter sur ce « misérable piédestal ». Il est vrai que le nationalisme a toujours donné mauvaise haleine à l'alpinisme.

Quant à Lachenal, vous savez ce qu'il pensait de tout cela, car vous avez eu en main la primeur d'un texte qu'il avait rédigé sur ce sujet. S'il a eu l'élégance (ou l'obligation si on en croit le témoignage  de Rébuffat [4])  de ne pas protester publiquement lorsqu'il se voyait systématiquement marginalisé par les médias, vous ne pouviez ignorer cette injustice dont vous avez été au moins complice (par votre silence). Ainsi, lorsque Paris Match vous a consacré six pages vous décrivant ainsi : « Maurice Herzog héros national numéro un, l'homme qui a le plus de gloire parce qu'il a eu le plus de souffrance », évoquant le Foca (votre appareil photo) qui vous « accompagna jusqu'au sommet », sans citer une seule fois le nom de Lachenal !... qui lui aussi, a fait l'ascension avec vous... pourquoi n'avez-vous pas réagi ? Mais il y a plus grave. Le 3 juin 1950, lorsque vous étiez en route avec lui pour le sommet de I'Annapurna, Louis Lachenal, constatant que ses pieds commençaient à geler, considéra qu'il était dangereux de poursuivre l'ascension. Il s'est arrêté pour vous le dire avec gravité. Vous avez raconté cet épisode dramatique à votre façon : « Brusquement Lachenal me saisit : « Si je retourne, qu'est-ce que tu fais ? » [...] C'est impossible. Mon être tout entier refuse. Je suis décidé, absolument décidé ! Aujourd'hui nous consacrons un idéal. Rien n'est assez grand. La voix sonne clair : « Je continuerai seul ! » [...] Mon camarade avait besoin que cette volonté s'affirme. [...] « Alors, je te suis ! » [...] Cette fois nous sommes frères », Pendant plusieurs dizaines d'années, ce récit publié dans votre livre « Annapurna premier 8000 » et très largement repris par la presse de l'époque a pu laisser croire que la « défaillance » de Lachenal avait été heureusement sublimée par votre courage, et que, galvanisé par votre résolution, votre compagnon avait surmonté un moment de découragement passager pour vous suivre jusqu'au sommet. C'est seulement en 1996 que, simultanément (et tout à fait par hasard), deux livres remettaient en cause cette version officielle – la vôtre- en livrant au public le témoignage intégral de Lachenal : « Je savais que mes pieds gelaient, que le sommet allait me les coûter. Pour moi, cette course était une course comme les autres, plus haute que dans les Alpes, mais sans rien de plus. Si je devais y laisser mes pieds, l'Annapuma, je m'en moquais ; je ne devais pas mes pieds à la jeunesse française. Pour moi, je voulais donc descendre. J'ai posé à Momo la question de savoir ce qu'il ferait dans ce cas. Il m'a dit qu'il continuerait. Je n'avais pas à juger ses raisons ; l'alpinisme est une chose trop personnelle. C'est pour lui, et pour lui seul que je n'ai pas fait demi-tour. Cette marche au sommet n'était pas une affaire de prestige national. C'était une affaire de cordée ». Après la disparition de Louis Lachenal (dans une crevasse de la Vallée Blanche en 1955), vous aviez pris l'initiative avec votre frère Gérard, de publier ses mémoires (« Carnets du vertige »), en « retravaillant » le texte qu'il avait laissé. De nombreux passages ont été « revus », un chapitre entier est même passé à la trappe. En marge du paragraphe relatif à cette grave discussion, vous avez noté : « Je n'avais pas senti cela, peut-être, après tout, ai-je été injuste ».

Peut-être, après tout, avez-vous été injuste, monsieur Herzog.

- D'abord en censurant un passage essentiel dans la publication des mémoires de Lachenal.

- Ensuite en présentant votre compagnon comme un alpiniste, certes brillant, mais souvent « excessif » et manquant parfois de lucidité. La suite des événements a prouvé, hélas, que ses craintes étaient fondées, et qu'en bon professionnel, il avait parfaitement apprécié la situation et ses risques.

- Enfin et surtout, en l'obligeant moralement à poursuivre une ascension dont il savait qu'elle le laisserait infirme. Quand vous avez annoncé d'une voix qui « sonnait clair » que vous étiez décidé à continuer l'ascension coûte que coûte, quelle autre alternative avez-vous laissée à Lachenal, guide de haute montagne? Pouvait-il envisager de redescendre seul, avec le risque, certain selon lui, que vous n'en reviendriez jamais ?...

Si vous pensez réellement avoir été injuste, il est encore temps de réparer cette injustice en remerciant comme il le mérite votre compagnon Louis Lachenal qui, sachant ses pieds gravement gelés a accepté de poursuivre jusqu'au sommet, avec vous et pour vous, puis qui, plus désireux que jamais de redescendre se faire soigner, a tout de même pris deux excellentes photographies de vous avec le drapeau français au bout de votre piolet, lesquelles vous ont valu la une de bien des journaux en France et aussi à l'étranger, qui a également accepté de faire une autre photo pour le Club Alpin Français, et encore une pour votre employeur Kléber Colombes. Tout cela méritait sans doute un grand coup de chapeau ?... Donnez-le pendant qu'il est encore temps, plutôt que chercher à le ridiculiser en ricanant sur son « obsession de ses pieds », en faisant mine de croire qu'après ses amputations il « pouvait grimper comme avant », en comparant son handicap au vôtre, comme s'il disposait pour refaire sa vie des mêmes ressources morales, intellectuelles, professionnelles et sociales que vous... A défaut de rendre un hommage affectueux à ce compagnon unanimement considéré comme l'un des alpinistes les plus purs de sa génération, vous auriez pu au moins avoir la pudeur de respecter la détresse de ce virtuose de la verticale qui, en perdant ses pieds avait tout perdu. « Cet amoindrissement de ses possibilités l'avait profondément affecté » témoigne son ami Terray ajoutant « Lui à qui le privilège du sort avait épargné la lourdeur et la maladresse de l'homme, se sentait pris sous une chape de plomb ». De toute façon, il est une injustice que vous ne pourrez pas réparer, c'est votre maladresse de photographe : avec votre propre appareil (« Le Foca qui vous a accompagné jusqu'au sommet »), vous n'avez fait de Lachenal qu'une seule photo tellement floue qu'aucun journal n'a pu la publier. Après tout, si la mise au point de votre Foca ne s'était pas déréglée, si vous aviez été aussi bon photographe que Lachenal, peut-être que celui-ci aurait été aussi célèbre que vous?...

Pour finir, permettez-moi un conseil. Ne vous présentez pas devant l'histoire en file indienne... Pour les photos de famille, on se place généralement côte à côte, les petits devant, les grands derrière... de cette manière, on voit tout le monde.

***

Voici de larges extraits de la critique du livre de Maurice Herzog « Les grandes conquêtes de l’himalaya » que j’ai publiée dans la revue « La montagne » du CAF en 1981. Je l’ai actualisée en modifiant les initiales des contradicteurs :

CG : Avez-vous lu le dernier livre de Maurice Herzog : « Les grandes aventures de l'Himalaya » ?

YB : Bof...

CG : J'ai été bouleversé par le témoignage de ce grand alpiniste.

YB : Oh! n'exagérez rien, votre "grand alpiniste" manque un peu de sang-froid lorsqu’après trente ans il verse encore des larmes en évoquant: "Le bon docteur Oudot...".

CG : Mais enfin, vous ne respectez rien; Herzog est quand même le plus grand alpiniste de sa génération. C'est lui, le premier qui a hissé le drapeau français à 8 000 m d'altitude: regardez cette photo à la page 25: "Maurice Herzog au sommet de l'Annapurna (8075 m) le 3 juin 1950"; quelle épopée !..

YB : Allez, chantez La Marseillaise pendant que vous y êtes !.. La collectivité française ne doit rien à Maurice Herzog. Elle a financé cette expédition, elle lui en a donné le commandement, elle l'a accueilli en héros à son retour, lui a offert la présidence du Club Alpin Français, nommé ministre, élu député, promu P.D.G., envoyé siéger au Comité International Olympique, etc. Les autres membres de l'expédition n'ont pas été aussi gâtés et pourtant leurs références en matière d'alpinisme n'avaient rien à envier à celles de votre "grand alpiniste". A propos, comment Herzog a-t-il fait pour se prendre lui-même en photo?

CG : Pourquoi me posez-vous cette question?

YB : Parce que la fameuse photo de la page 25 est portée par erreur au crédit de Maurice Herzog, tout comme celle de la page 33. En réalité, la photo du sommet a été prise par son compagnon de cordée.

CG : Ah! oui, c'est exact : ils étaient deux au sommet, mais je n'arrive jamais à me souvenir du nom de l'autre, Herzog en parle pourtant dans son livre.

YB : C'est Louis Lachenal, sans doute l'un des meilleurs alpinistes de sa génération.

CG : La jeunesse d'aujourd'hui aurait sans doute moins d'angoisses métaphysiques si elle avait encore sous les yeux des exemples de courage et d'héroïsme comme celui d'Herzog. Vous avez beau jeu de piétiner l'histoire, mais à force de tout détruire, les jeunes n'ont plus aucun idéal, ils sont désemparés; il leur faut des héros, pour rêver. Il est toujours facile de s'ériger en censeur et de donner des leçons de morale à ceux qui ont eu au moins le mérite de rapporter à la France de belles victoires.

YB : De grâce, ne recommencez pas vos métaphores guerrières : Maurice Herzog s'est gelé les mains parce qu'il a perdu ses gants et qu'il n'a pas pensé à utiliser la paire de chaussettes dont il disposait dans son sac. Au Mont Blanc, on aurait simplement parlé d'imprudence, en Himalaya, l'imprudence engendre parfois de l'héroïsme.

CG : L'Annapurna n'a pas la même altitude que le Mont Blanc !

YB : Soit; mais la différence entre le Mont Blanc et l'Annapurna n'était pas seulement une question d'altitude. Les alpinistes qui choisissent d'escalader le Mont Blanc le font à leurs frais; ceux qui sont allés à l'Annapurna étaient envoyés par la France, voilà une autre différence.

CG : Qu'y a-t-il de répréhensible à cela?

YB : II était normal que la France - qui avait payé - attende une contrepartie. Cette contrepartie, c'était simplement ce que vous appelez "une belle victoire française".

CG : Mais c'était une victoire française!

YB : ... et ses artisans des héros, particulièrement ceux qui avaient perdu quelques phalanges dans la bataille...

CG : Vous n'avez pas honte ! La pudeur la plus élémentaire devrait vous interdire de colporter des jeux de mots d'un aussi mauvais goût!...

YB : Pourquoi parlez-vous de pudeur; Herzog lui-même en manque singulièrement lorsqu'il publie dans son propre livre (page 42) la photo de ses mains en lambeaux. Pour émouvoir les foules, il se livre à une exhibition de mauvais aloi.

CG : Mais tout cela a réellement existé, pourquoi cacher la vérité ?

YB : Peut-être avez-vous raison et après tout Herzog est bien libre d'élever lui-même un monument à la gloire de ses propres exploits, fût-ce à la télévision mais cette démarche qui consiste à "restituer l'histoire de ces hommes d'exception et montrer ce qu'ils furent: des héros", me paraît malsaine.

CG : Herzog n'a jamais écrit une chose pareille !..

YB : Si, regardez, sur la 4e page de couverture, à côté de sa photo.

CG : II ne parlait pas de lui...

YB : Sans doute... c'est l'image même qu'il donne de l'alpinisme: "Aventures inouïes, exploits, drames, épopées... paris sur l'impossible - actes d'héroïsme les plus fous... tragédies les plus bouleversantes... pour vaincre les plus hauts sommets de la planète" restitués "avec toute la puissance dramatique" que je n'aime pas. Pensez-vous que cette litanie inspirée des manchettes de certains quotidiens à sensation, que cette dizaine de locutions apocalyptiques contenues dans moins d'une trentaine de lignes corresponde réellement à la véritable nature de l'alpinisme ? Je suis persuadé que les alpinistes dans leur immense majorité cherchent et trouvent une autre forme de bonheur dans la conquête de ces sommets, au demeurant bien pacifiques, qu'une poignée de héros prétendent avoir vaincus. En alpinisme comme en amour, je préfère entendre parler de conquêtes plutôt que de victoires...

CG : Mais ce livre est destiné au grand public, pas à des spécialistes.

YB : Précisément, il n'en est que plus néfaste : l'audience de Maurice Herzog est telle que son livre risque de creuser davantage le fossé entre les alpinistes qui, dans leur grande majorité ne sont pas des surhommes, et le grand public généralement persuadé que les alpinistes sont des héros. L'occasion aurait été bonne de donner une autre image de l'alpinisme à la fois moins héroïque et plus conforme à la réalité. En vous écoutant évoquer la conquête de l'Annapurna, je pense à cette citation de Berthold Brecht : "Malheur au peuple qui a besoin de héros ! "...

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 126, 1981)

 

 

 



[1] David Roberts dans son ouvrage « Annapurna, une affaire de cordée » (Guérin 2000), situe par erreur la signature du contrat par Gaston Rébuffat le jour du départ.

[2] Dans la critique du livre de Maurice Herzog « Les grandes aventures de l’Himalaya », parue dans la revue « La montagne » du CAF, j’ai suggéré que pour l’homme de la rue, le nom de Lachenal était quasi inconnu. J’ai rédigé cette critique sous la forme d’un dialogue entre un « admirateur béat et idiot d’Herzog » dans lequel on reconnaitra sans mal Christian Greiling, et son contradicteur iconoclaste que j’ai inspiré.

[3] Palme d’or du Festival de Trente, Grand prix du Salon du livre de montagne de Passy (deux fois), Prix de l’Alpe, Grand Prix de la littérature sportive, Prix Castex de l’Académie Française.

[4] Témoignage de Gaston Rébuffat :

Une fois, Lachenal a essayé de publier « son » récit sans y parvenir. C’était en 1951. Sachant que je collaborais au journal « Le Monde », il me demanda :

-          J’en ai assez des erreurs et oublis officiels, crois-tu que Le Monde publierait mon récit ?

Je lui répondis que j’allais questionner Beuve Mery. Quelques jours plus tard, j’avais la réponse : affirmative. J’allais l’indiquer à Lachenal, mais tout de suite, il me dit : « J’ai eu le tort d’en parler autour de moi. C’est ainsi que le comité de Himalaya a été prévenu et qu’un de ses membres est venu de Paris pour me voir et me dire :

-          Lachenal, vous vous plaisez à l’Ecole Nationale ?

-          Oui, bien sûr, d’ailleurs, avec mes pieds coupés, où pourrais-je aller ?

-          Si vous souhaitez y rester, il serait préférable que vous renonciez à votre projet de récit de l’Annapurna dans Le Monde »

 

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Interview par mon ami Jean-Pierre Brouillaud

 

Jean-Pierre Brouillaud, écrivain, voyageur, philosophe etc... m'a invité dans son émission "Autour d'une bière".

L'occasion de parler, entre autre; de mon dernier roman "La possibilité du vide".

A voir sur Youtube.

 

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"La possibilité du vide" au Salon de Passy avec Jean-Marie Choffat

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YB et Jean-Marie Choffat de part et d'autre de Michel Moriceau, animateur de cette table ronde, à l'Espace Fontenay au Plateau d'Assy.

C'est à l'invitation de Michel Moriceau, président du Salon du livre de Passy, que j'ai participé le 6 aout dernier à une table ronde autour de mon roman "La possibilité du vide".

Un grand merci à Jean-Marie qui, en dépit d'un état de santé encore moins brillant que d'habitude, a fait le voyage de Belfort. Merci également pour son témoignage particulièrement émouvant lors de cette table ronde. Et merci enfin pour sa complicité dans l'élaboration de mon roman.

Cliquez sur ce lien pour voir la video de la table ronde.

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La possibilité du vide par le Républicain Lorrain

 

A lire. En librairie : La possibilité du vide

" 24 juin 1972. Tout commence selon le rituel immuable du samedi matin à Fontainebleau. Ils sont une demi-douzaine de copains à se retrouver au carrefour de l'Épine. Ils mettent leurs chaussures d'escalade, des PA, en attendant les retardataires, puis ils s'échauffent à petites foulées dans les sous-bois, avant de démarrer leur circuit place du Cuvier.

Une nouvelle critique de La possibilité du vide, par le Républicain Lorrain :

Le Républicain lorrain 1

Le Républicain lorrain 2

Le Républicain lorrain 3

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"La possibilité du vide" vue par Jean-Marie Choffat

Yves Ballu m’ayant envoyé le manuscrit de La possibilité du vide à lire pour avis, je me suis d’abord attaché à comprendre la cohérence générale de l’histoire : situations vécues par son personnage principal en milieu hospitalier (comme par exemple la réaction de Yann à l’annonce de la maladie par son médecin) ainsi que la manière dont son entourage allait réagir à l’annonce de son cancer.

J’ai même accepté de jouer un rôle – hé oui : celui de Jean Marie Choffat – et je lui ai apporté mon témoignage pour l’écriture du chapitre éponyme : mes motivations pour me battre (mon fils et la montagne), les opérations, transplantation, chimios etc. les « Dialogues avec mon infirmière »… tout cela est du vécu, fidèlement rapporté, à un détail près : il m’a fait déménager de Belfort à Massy !…

Mais ce n’est qu’à la lecture du roman dans sa version finale que j’ai eu la surprise de relever de nombreuses analogies entre ma propre histoire et celle de Yann, son héros. A commencer par notre espérance de vie : quelques mois. J’en suis à plus de trente ans de survie. J’en souhaite autant à Yann… Et puis, je me suis reconnu dans les décisions qu’il prenait concernant sa façon d’appréhender sa maladie, et surtout dans la manière dont il allait envisager de pratiquer la montagne.

Sans en avoir parlé avec Yves, j’ai en effet retrouvé dans son livre beaucoup de similitudes avec ce que j’avais vécu moi-même au plus fort de ma maladie dans les années 90. Yann partait gravir des montagnes en solitaire dans le but d’y mourir. Pas moi. Mais finalement, nous nous sommes retrouvés totalement. D’une part, Yann a rapidement réalisé que ses ascensions extrêmes en solitaire avaient quelque chose d’exaltant, qu’elles étaient l’occasion de vivre plus fort, plus intensément, plus librement, de croire que rien n’était impossible et que dans une belle voie, la vie pouvait être très belle malgré la maladie. Et puis, comme Yann, je me disais : « S’il t’arrive un accident et que tu meurs, il vaut mieux que ce soit en montagne, dans une belle voie, plutôt qu’au fond d’un lit d’hôpital bouffé par le crabe. » L’occasion, pour lui, comme pour moi, de s’accrocher à la vie, de mesurer combien on y tient instinctivement, fût-elle sans issue. Comme lui, je me suis retrouvé dans des situations désespérées où il aurait été plus facile de céder à la fatalité que de continuer à se battre : perte de mon sac à dos au cours d’une fausse manœuvre où, ahuri, je vis celui-ci faire un saut de 800 mètres dans le vide, me privant de tout mon matériel (bout de corde compris) pour les 200 derniers mètres d’ascension ; mauvaise surprise d’une écaille qui casse au plus mauvais moment au-dessus d’un vide de 600 mètres, alors que ne suis pas auto-assuré… Comme Yann, dans ces moments extrêmes je me suis terriblement accroché à la vie, je ne pensais pas à mourir, mais plutôt à vivre – à survivre- et à sauver ma peau au plus vite !

Puis la maladie a pris chez moi une dimension nouvelle, avec des contraintes beaucoup plus lourdes sur le plan médical. Ces contraintes ont encore changé ma façon d’aborder mentalement l’alpinisme. D’abord je dois souligner que mon cancer me condamnait souvent à partir seul en montagne : mon état de santé n’encourageait pas beaucoup de compagnons de cordée à me suivre. Comme le dit mon sosie : « S’embarquer dans une grande voie avec un type sous chimio, ça en fait hésiter plus d’un. » Je souffris un peu de l’attitude de certaines personnes, mais au final, ayant l’habitude de grimper seul depuis l’enfance, gravir une paroi en solitaire ne me gênait guère dans la pratique.

Avec La possibilité du vide, Yves Ballu a écrit un livre courageux, car il m’a souvent été donné d’observer que si les alpinistes acceptaient la mort avec fatalité, ils rejetaient avec force la maladie qui, je le crois, leur fait beaucoup plus peur que la mort elle-même : « En montagne, on accepte plus facilement la mort que la maladie. » Dans ce beau roman, Yves Ballu fait ressortir au plus près et au plus juste les éléments contradictoires que peut vivre un alpiniste gravement malade. Si l’on y ajoute un formidable suspens tout au long des pages, le lecteur ne pourra qu’apprécier cet ouvrage écrit avec grand talent.

Jm Choffat

 

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La possibilité du vide : "Un roman plutôt drôle que morbide"

Telle est l'avis de Gilles M... publié sur le site Bulle de culture dans une critique plutôt entousiaste dont je le remercie.

Bulles de culture 1

Bulles de culture 2

Bulles de culture 3

Bulles de culture 4

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La possibilité du vide sur Passion Montagne

L'ami Jean-Michel Asselin m'a invité dans son émission "Passion montagne".

A réécouter sur le lien "

Passion Montagne - Émission sur France Bleu

Portraits, sujets d'actualité reportages et découverte des montagnes d'ici et d'ailleurs, Passion Montagne est un magazine à écouter chaque week-end avec Christophe Chardon et Jean-Michel Asselin. Réécoutez ci-dessous toutes vos émissions. Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

https://www.francebleu.fr/emissions/passion-montagne-0


Passion montagne" émission du 18 avril.

 

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La possibilité du vide

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Le dernier Ballu...

... Un roman dans lequel j'ai invité quelques ami(e)s.

Par exemple :

-          Alors, tu as l’intention de continuer l’escalade ?

-          Bien sûr ! Je crois que je vais m’inscrire au CAF. J’ai envie d’apprendre et de progresser. J’adore ça !

-          Sa majesté Destivelle n’a qu’à bien se tenir.

-          Qui est cette majesté ?

-          Catherine Destivelle l’une des meilleures alpinistes de sa génération. Je te montrerai les reportages de Paris Match. Allez, on va descendre.

Ou encore :

Dès l'entrée, on devine que l'appartement est celui d'un célibataire plus intéressé par la lecture que par les tâches ménagères. Des livres partout : sur les étagères, sur la table, par terre. Jean-Marie est affalé sur son divan. Il porte son inséparable tee-shirt siglé « Himalayan Trekking » et affiche sa mine habituelle, cheveux en bataille, barbe négligée et lunettes d'écaille descendues sur le nez.
- Autant te le dire tout de suite, Lucie, aujourd'hui, j'en ai marre de ces chimios ! Nausées, vomissements, cœur qui s'emballe, aphtes, migraines, diarrhées, constipation, difficultés respiratoires... j'en passe et des meilleures... Allez, on va continuer à endurer toutes ces joyeusetés qui font ma vie depuis vingt-cinq ans ! Alors, qui m'as-tu amené cette fois ?
Présentations.
- Yann Béhat.
- Jean-Marie Choffat. Asseyez-vous, tous les deux, sinon, c'est moi qui vais devoir me lever. Alors, comme ça tu veux te suicider, lance-t-il à Yann tout de go, et tu as demandé à Lucie de t'injecter la potion fatale. C'est pas très sympa pour elle. Remarque, elle a bien essayé de m'empoisonner à l'hosto, mais moi, je suis un coriace. Je fais de la résistance.

Ou encore :

Le père Moreau s'essuie une main avant de la tendre :
- Ça y est. Je te remets. T'es comme moi, un vieux de la vieille. C'était dans les années soixante-dix, quatre-vingt, c'est ça ? Toute une époque ! Tu te souviens, il y avait Les carnets de l'aventure de Pierre-François Degeorges. Des chouettes émissions télé qui donnaient envie aux jeunes de se bouger. Tu te rappelles Patrick Edlinger, La Vie au bout des doigts ? Il grimpait plutôt dans le Sud, mais on l'a vu quelquefois par ici. C'était le bon temps. Les Parisiens débarquaient le week-end, on pouvait en voir une centaine sur les deux jours. Il y avait du monde dans toutes les voies, les faciles comme les plus dures. Les « couennes », comme ils les appelaient. Ça rigolait, ça chantait, ça couchait, ça fumait – pas toujours du tabac –, ça se bagarrait aussi parfois. Et en bas, les paysans du coin venaient au spectacle. Ils y passaient la journée. Ensuite, d'autres ont débarqué. Aucun respect pour les anciens. Ils ont tout repris à zéro. Ils ont décoté les voies, jauni les pitons ... Les Tribout, Le Ménestrel, Fagard, Droyer, Jacob, Bouvier... J'en oublie. Sans compter les filles : Simone Badier, la Dame de pic , rudement efficace ! Catherine Destivelle, fortiche et mignonne ! Maintenant on les voit moins. Même les badauds se font rares. Les gens regardent la Formule 1, le foot... Le Saussois est un peu passé de mode, non ?

 

Ou encore :  

- C'est pas possible ! Qui c'est, ce détraqué ?
Les Pures Lumières, qui se tiennent en embuscade, s'amusent tout autant de l'attraction dans la paroi que de son effet sur le public en contrebas :
- C'est Momo, l'Arabe. Il fait son numéro dans la Rech* .
- Vous l'avez déjà vu ?
- Oui. Il vient régulièrement.
- Et... c'est pas dangereux ?
- De montrer son cul ? Ça dépend à qui...
- Je veux dire... il n'a pas de corde, là.
- Non. Il est en solo.
- Alors, s'il chute, il se tue ?
- Pas forcément. L'autre jour, il est tombé du haut de la falaise. Tout le monde s'est précipité. Quand il a ouvert les yeux et qu'on lui a demandé ce qui s'était passé, il a répondu : « J'sais pas, je viens d'arriver »...
La blague ne fait rire que les Pures Lumières. Les badauds, eux, ne peuvent détacher les yeux du grimpeur en train d'escalader la Dalle du Cœur, avec pour tout harnachement un sac de pof attaché par une cordelette autour de sa taille.
- Et... il est pieds nus !
- Ben oui. Il est nu de la tête aux pieds. Ce gars va bientôt publier un livre ; il a déjà le titre : "La Rech pour un homme nu" ...

* Au Saussois

Disponible en librairie à partir du 24 mars prochain.

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Vincendon et Henry à la Brenva : l'ascension de Claude Dufourmantelle et François-Xavier Caseneuve

Dix jours avant Vincendon et Henry, du 17 au 20 décembre 1956, la cordée Dufourmantelle Caseneuve a réussi l'ascension hivernale du mont Blanc par l'éperon de la Brenva. Sans problèmes particulier si ce n'est un incident à la descente au cours de laquelle Claude Dufourmantelle s'est sorti difficilement d'une crevasse dans laquelle il était tombé.

Mon ami Claude a récemment retrouvé un document exceptionnel : le récit de cette ascension, raconté par son compagnon de cordée. C'est lui qui l'a dactylographié, et les annotations sont de sa main. Ce qui est remarquable, c'est que ce récit recoupe en tous points le témoignage qu'il m'a livré (il y a une vingtaine d'années) pour l'écriture de "Naufrage au mont Blanc".

Bravo ami Claude, ta mémoire est remarquablement fiable ! Et merci pour ce précieux document.

Claude Dufourmantelle

 

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En bon fils, Claude a envoyé une carte postale à ses parents pour les rassurer : "Tout va bien, pas de neige pour le ski. Rentrons de faire le mont Blanc 4 jours = crevés. Prenons un repas bien gagné. Bons baisers. Claude"

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Posté par Yves Ballu à 09:59 - Commentaires [2] - Permalien [#]