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Le blog d'Yves Ballu, Cairn
23 mai 2009

Frison-Roche a-t-il publié sous un pseudonyme?

Voilà l'affaire...
Au cours de mes recherches sur Guy Labour, pour mon prochain livre, je suis d'abord tombé sur une série de reportages publiés par le Petit Dauphinois (ancêtre du Dauphiné Libéré), sous la plume de son correspondant à Chamonix : un certain Frison-Roche, journaliste et patron de brasserie (voir mon précédent message à ce sujet).
L'avant-dernier de ces reportages, daté du 26 août 1934 raconte en détail l'aventure de Guy Labour et son sauvetage. Avec un témoignage émouvant du rescapé, recueilli par Frison-Roche quelques heures après son sauvetage.
Voici le texte complet de cet article :

Articles_Petit_Dauphinois_05_redimensionner

Le dénouement inespéré

 

Guy Labour, prisonnier depuis 8 jours au fond d'une crevasse, est retrouvé vivant dans le glacier des Nantillons

C'est grâce à son courage magnifique et à son énergie surhumaine que l'alpiniste parisien a pu échapper à une mort affreuse. Bien qu'ayant les pieds gelés et malgré les privations, il sera bientôt en bonne voie de guérison.

L'admirable dévouement de deux guides chamoniards

Chamonix, 25 août. — C'est une histoi­re invraisemblable, un de ces drames de l'Alpe dont la simplicité est telle qu'un romancier ne saurait la décrire.

Guy Labour, disparu depuis le 18 août a été retrouvé aujourd'hui 25 août, vivant au fond d'une crevasse du glacier des Nantillons. Voici comment les faits se sont passés.

Depuis quatre jours, comme « Le Petit Dauphinois » l'a relaté, deux guides de Chamonix. Paul Mugnier et Camille Ravanel, battent la montagne à la recher­che du disparu. Bien qu'ils ne conservent plus aucun espoir de le retrouver vivant, ils mènent et continuent leurs recherches avec tout le dévouement et tou­te la conscience professionnelle qu'ils ont l'habitude de mettre dans l'exercice de leur métier de guides.

« AU SECOURS! »

Ayant exploré en vain ces jours der­niers la face ouest, la base de la face nord et les abords de l'aiguille des Grands Charmoz, ils avaient obtenu con­firmation de la présence de Guy Labour samedi après-midi 18 août, sur le rognon des Nantillons. Aussi, hier soir, Paul Mu­gnier déclarait-il qu'à son avis il fallait explorer minutieusement ces crevasses au-dessous et autour de l'éperon rocheux. Paul Mugnier avait raison.

Ce matin, comme d'habitude, les deux guides repartirent du Montenvers afin de continuer leurs recherches. C'était le qua­trième jour et c'est avec un peu de dé­couragement qu'ils reprirent la piste. Après une courte halte sur la Moraine du glacier des Nantillons, ils parvinrent au pied de l'aiguille de l'M, puis com­mencèrent à explorer le glacier, patiem­ment, de crevasse en crevasse, fouillant sans arrêt.

Tout à coup, l'un d'eux aperçoit un bout de corde accroché à 6 ou 7 mètres de profondeur dans une aspérité de glace. Il examine avec curiosité, mais surtout par acquit de conscience, car il n'est pas rare de trouver des débris de cordes sur les glaciers. Cependant, les deux guides parlent en­tre eux:

       - Assure-moi, Paul, dit Ravanel, je veux tout de même voir ce qu'il en est.

  Au même instant une voix, sépulcrale, sortie d'on ne sait où, se fait entendre: « Au secours! »

Ravanel a fait un bond en arrière. Il se retourne, tout pâle, s'attendant à voir son camarade Paul Mugnier en danger.

- Qu'est-ce qui te prend, lui crie Mu­gnier, qui n'a rien entendu ?

- On crie ?

- Tu es fou!

Mais l'appel reprend faible, à peine perceptible, semblant venir de très profond : « Au secours » dit la voix.

- Mais qui donc appelle ?

- C’est moi, Labour, venez à mon secours !

- Bien sûr qu’on va y aller, répond avec flegme Mugnier. Voilà quatre jours que l’on vous cherche

 

L’EMOUVANTE RENCONTRE

 

Rapidement, le guide plante deux pitons à glace, passe une corde et descend Ravanel dans la crevasse. La descente est longue - 19 mètres environ - la paroi verticale.

Le guide arrive enfin sur un pont de neige. Il aperçoit le rescapé étendu calfeutré dans sa veste imperméable à ca­goule. Labour a gardé toute sa conscien­ce. Seuls ses traits émaciés, sa barbe hirsute témoignent des souffrances endu­rées dans sa prison de glace. Les deux hommes sont maintenant face à face : le sauveteur et le sauvé.

- Tu permets que je t'embrasse, dit-il au guide avec émotion.

Puis il reprend par ce mot délicieux:

- C'est drôle, je n'attendais personne aujourd'hui.

Mais on ne lui laisse pas le temps d'ex­pliquer son calvaire. On l'attache au bout d'une corde et on le remonte au grand jour.

D'en haut, Paul Mugnier a alerté les caravanes qui partent en course. Quatre guides viennent à la rescousse, cependant qu'un autre descend au Montenvers an­noncer la nouvelle aussi belle qu'invraisemblable.

Ensuite, porté sur les robustes épaules du guide, Labour est descendu au Montenvers. Un docteur s'y trouve, le docteur Andrieux - qui lui donne les premiers soins. Labour a les deux pieds gelés : il une forte gelure aux genoux et malgré sa dépression fébrile, il garde toute sa lucidité.

Le docteur de Chabanol, venu de Cha­monix, l'examine de fond en comble; il ne laisse pas d'être étonné de la résis­tance physique extraordinaire du resca­pé. Mais il reste à celui-ci à revoir son père et sa mère que l'on a prévenus de la bonne nouvelle avec beaucoup de mé­nagements, car quelquefois la joie trop forte fait mal...

Ceux-ci n'osent pas croire à la réalité. Ils prennent le premier train pour le Montenvers, ils veulent le voir pour croi­re. Guy Labour, lui, se préoccupe d'eux. Il envoie à leur rencontre son vieux ca­marade Marcel Ichac.

- Tu comprends, lui dit-il, va les at­tendre, dis leur que c'est bien vrai que je suis là, que je n’ai rien.

Quelle émotion pour eux, car depuis deux jours, il ne restait guère d'illusion, chez les parents et chez les amis de Guy Labour. On le pleurait déjà, car on ne pouvait espérer le miracle qui vient de se produire.

Dans la petite chambre de l'Hôtel du Montenvers où Labour a été transporté, son père et sa mère pénètrent. Ils voient leur fils qui les regarde en souriant, leur tend les bras et les étreint en sanglotant. Et chacun les laisse tous trois se recueillir dans cette minute inoubliable pour eux.

« JE NE COMPTAIS PLUS QUE LES JOURS »

Mais Labour, décidément étonnant de résistance, fait le récit des huit jours qu'il a passés dans la crevasse : « Je suis tombé samedi dernier, vers 4 heures de l'après-midi. Je reve­nais des Grands Charmoz et en des­sous du rognon, ayant obliqué à gauche pour gagner le Plan de l'Aiguille, je me suis un peu écarté des traces habituelles. Et subitement, ayant crevé un pont de neige, je me suis retrouvé au fond d'une crevasse. Celle-ci était étroite au sommet, mais allait en s’évasant. J'étais à peu près à 20 mètres de profondeur sur un bouchon de neige qui avait amorti ma chute. Tout à côté, la crevasse se continuait insondable, mon piolet était resté en haut. J'appelle. Personne ne répond. Des caravanes qui étaient derrière moi, ont dû continuer sans me voir. Il me reste à patienter. Demain. Me dis-je, tout ira mieux. En attendant, j'explore ma prison de glace, je fais l'inventaire de mon sac. Il reste quelques provisions : un peu d'Ovomaltine, des pruneaux, deux bougies et deux boîtes d'allumettes. Je range précieusement ces dernières dans une boite en fer. Ça peut toujours ser­vir !

« Puis j'essaie de remonter sur le gla­cier en taillant des marches et des en­coches sur le mur de glace vertical. Au prix d'efforts surhumains, mon ascen­sion s'effectue. Petit à petit, je me suis élevé jusqu'à 1.000 mètres (sic) de hauteur. Au-dessus de moi, j'aperçois une nappe de glace sur laquelle je réussis à lancer un bout de corde; mais au même moment, mes forces me trahissent et je retombe. J'at­tends le lendemain, espérant que les ca­ravanes qui, chaque matin, sillonnent le Glacier des Nantillons à moins d'un jet de pierres de ma crevasse, enten­dront mes appels. En attendant, je prends des notes sur mon carnet et je commence à m'organiser en vue d'une résistance assez longue. Je trompe le froid, très vif et très pénible à suppor­ter, en mettant les pieds dans le sac et en me serrant dans la veste imper­méable à capuchon. De temps en temps, la fatigue est plus forte que le froid et je m'endors. Au début, je comptais les heures, mais au bout du troisième jour, je ne comp­tais que les jours...

Je trompais la faim en faisant chauf­fer de la glace dans un part métallique placé au-dessus d'une bougie. Puis, lorsque j'avais réussi à me faire un breu­vage un peu tiède, j'y mêlais avec par­cimonie un peu d'Ovomaltine et des res­tants de pruneaux; puis bien vite, j'éteignais ma bougie que je consumais (sic) précieusement à l'abri de l'humidité.

ET DES CARAVANES PASSERENT...

Les heures les plus pénibles pour moi étaient celles où j'entendais les carava­nes d'alpinistes passer à côté de moi, causer et disparaître sans m'entendre. « Et pourtant je criais, je vous assu­re ! ».

Mais la forme de ma crevasse était telle que le son ne montait pas et qu'il fallut toute la patience des sauveteurs pour arriver à me retrouver. Chaque fois que j'entendais causer, je criais, je sif­flais. Je sus par la suite que mes camarades m'avaient entendu siffler, mais avaient pris mes appels pour des cris de marmottes sans y attacher d'importance.

Alors, le silence revenu dans la monta­gne, je restais plus désespéré qu'avant, réfléchissant à mon sort qui s'annonçait chaque jour plus précaire.

Pourtant jamais je ne m'avouais vain­cu. Je me disais « il faut lutter » on doit te chercher, on va te trouver, le tout est de tenir jusqu'à ce jour là ». A mesure que ma résistance physique diminuait, le froid devenait plus difficile à suppor­ter ; mais j'étais tellement engourdi que je ne pouvais plus guère réagir. Au dessus de ma tête l'ouverture faite en tom­bant s'élargissait chaque jour. Le qua­trième jour, mon piolet qui était resté sur le bord et qui m'aurait permis de m'en sortir le premier jour, tomba à côté de moi. Mais je n'avais plus assez de force pour recommencer le pénible tra­vail de la taille des marches.

Il y a deux soirs, un violent orage éclata. Heureusement. Un surplomb de glace me permit de m'abriter. Ce matin, le peu d'espoir que je gardais était parti et avait fait place au découragement, quand tout à coup j'entendis à nouveau parler au dessus de moi. Mais cette fois-ci cela semblait tout proche ; c'est alors que je me mis à crier ; le reste vous le savez.

Paul Mugnier et Camille Ravanel m'ont retrouvé et grâce à eux je suis en­core de ce monde. Ils sont d'ailleurs ar­rivés à temps car je sentais très bien qu'une autre nuit aurait pu m'être fatale.

« EN VOILA UN QUI REVIENT DE LOIN.. »

Guy Labour ayant terminé son émou­vant récit, se rejette en arrière dans son lit bien banc. Il a l'air d'un convales­cent qui se relève de maladie, mais ses yeux fiévreux, son masque aux traits dur­cis disent bien toutes les souffrances qu'il a endurées. Son courage extraordinaire et son esprit de décision ont certainement été pour une bonne part dans son salut.

La nouvelle de sa résurrection s'est vite propagée dans tout Chamonix où Guy Labour était très connu. On a appris avec joie la bonne nouvelle que chacun commente et discute. « En voilà un qui revient de loin m'a déclaré un vieux guide en hochant la tête.

Roger Frison-Roche.

 

*

Bon. Un peu plus tard, je tombe sur un numéro de la revue Guignol. Mars 1935. Vous connaissiez ?... Moi non plus. Mais la couverture m'a attiré l'oeil :

Guignol_01_redimensionner

A l'intérieur...  une nouvelle de Jean de Lanoys. L’histoire d’un jeune homme, Georges de Morange, parisien, orphelin, et « fougueux alpiniste ». Couvé par sa grande sœur Béatrice, il quitte la capitale pour rejoindre son frère, Gaston, à Chamonix. Après avoir réussi l’ascension des Grands Charmoz en solitaire, le héros est précipité dans une crevasse au cours de la descente... Il ne s’agit là que d’une œuvre romanesque – une fiction – mais il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec la véritable histoire de Guy Labour, et plus précisément avec la version qu’en a donné Frison Roche dans le Petit Dauphinois du 26 août précédent. Je vais vous aider en vous donnant des extraits des deux textes en regard.

Tout d’abord l’accident :

       
 

« Au fond   d’une crevasse »

 

(Par J. de Lanoys)

 
 

Article du Petit   Dauphinois

 

(Par Roger Frison Roche)

 
 

Je suis tombé samedi dernier, vers quatre heures de l'après-midi […] Je revenais du grand   Charmoz. En dessous du rognon des Nantillans, ayant un peu obliqué à gauche, je me suis un peu écarté des traces   habituelles. Et, subi­tement, j'ai   rencontré un pont de neige qui a cédé sous mes   pas et je me suis trouvé au fond d'une crevasse. […] Cette crevasse, étroite   au sommet, allait en s'évasant. J'étais à   peu près à vingt mètres de profondeur, sur un amas   de neige qui avait amorti ma chute. Tout à côté,   la crevasse se continuait insondable et, par malheur, mon piolet était resté en haut.

 

J'appelle... personne ne répond. Des caravanes qui étaient derrière moi ont dû   continuer leur route sans s'inquiéter de   ce qui se passait

 

*

 

Puis j’essaie de   remonter sur le glacier, en taillant des marches et des encoches sur le mur   de glace verti­cal. […] J’avoue que mon ascension s’effectua au prix   d’efforts surhumains. Petit à petit, je me suis élevé à dix mètres de   hauteur. Au dessus de moi, j’aperçus un piton de glace, sur lequel je lançai   ma corde…

 

*

 

 

 

Je compris qu’il   fallait attendre le lendemain matin, dans l’espoir que les caravanes qui   sillonnent le glacier des Nantillans, à moins d’un jet de pierres de ma cre­vasse,   entendraient mon appel. En attendant, je prends des notes sur mon carnet et   je commence à m’organiser en vue dune résistance assez longue. Je   trompe le froid très vif et très pénible en mettant les pieds dans le sac et   en me serrant dans la veste dont le capuchon proté­geait aussi ma tête.

 

*

 

 Je vous avoue que   c’était une sensation terrible d’écouter des voix, des appels s’éteignant peu   à peu pour s’éloigner tout à fait, sans qu’aucun de mes cris réitérés fût   entendu.

 

 

Et pourtant je   criais, je vous assure ! Mais la forme de ma crevasse était telle que le   son ne montait pas. Sans la persévérance et la patience extraordinaires dont   ont fait preuve mes sauveteurs, jamais on ne m’eût retrouvé.

 

Chaque fois que   j’entendais parler au-dessus de ma tête, je sifflais, je multipliais mes   appels, mais en vain, et c’était une sensation atroce d’avoir cru toucher au   salut pour retomber dans l’abandon.

 

Je sus, par la   suite, que mes camarades avaient entendu mes sifflements, sans y attacher   d’importance, les prenant pour des cris de marmottes qui s’ébattent souvent   au soleil sur la neige.

 

Alors, le grand   silence de la montagne se rétablissait, plus profond, plus absolu que jamais,   et je touchais au désespoir en réfléchissant à mon sort devenant chaque jour   plus précaire.

 

En aucun moment,   pourtant, je ne m’avouai vaincu. A chaque réveil, je me disais : « Il   faut lutter ; on nie cherche, on me trouvera, le tout est de tenir   jusque-là. »

 

*

 

Au-dessus de ma tête, l’ouverture que j’avais faite en tombant s’élargissait chaque jour, si bien   que mon précieux piolet glissa à mes côtés.

 

Que ne l’avais-je eu en main dès le début de ma   captivité ? Je me serais évadé en l’employant judicieusement. Mais je   n’avais plus assez de forces pour recommen­cer le pénible travail de la   taille des marches, et je dus y renoncer.

 

Il y a deux soirs, un violent orage éclata.   Heureusement, un surplomb de glace me permit de m’abriter. Mais, hier matin,   le peu d’espoir que je gardais était parti :   je me croyais enseveli pour jamais, quand tout à coup   j’entendis à nouveau parler au-dessus de moi. Mais, cette fois-ci, cela   semblait tout proche ; cest alors que je me suis mis à crier   et qu’une voix cordiale me répondit : vous savez le reste.

 

 

 
 

Je suis tombé samedi dernier, vers 4 heures de   l’après-midi. Je reve­nais des Grands Charmoz et en des­sous du rognon, ayant   obliqué à gauche pour gagner le Plan de l’Aiguille, je me suis un peu écarté   des traces habituelles. Et subitement, ayant crevé un pont de neige, je me   suis retrouvé au fond d’une crevasse. Celle-ci était étroite au sommet, mais   allait en s’évasant. J’étais à peu près à 20 mètres de profondeur sur un bouchon de neige qui avait amorti ma chute. Tout à côté, la crevasse   se continuait insondable, mon piolet était resté en haut.

 

J’appelle. Personne   ne répond. Des caravanes qui étaient derrière moi, ont dû continuer sans me   voir.

 

*

 

 

 

 Puis j’essaie de remonter sur le gla­cier en taillant   des marches et des en­coches sur le mur de glace vertical. Au prix d’efforts   surhumains, mon ascen­sion s’effectue. Petit à petit, je me suis   élevé jusqu’à 10 mètres de hauteur. Au-dessus de moi, j’aperçois une nappe de glace sur laquelle je   réussis à lancer un bout de corde…    

*



 J’at­tends le lendemain, espérant que les ca­ravanes   qui, chaque matin, sillonnent le Glacier des Nantillons à moins d’un jet de   pierres de ma crevasse, enten­dront mes appels. En attendant, je prends des   notes sur mon carnet et je commence à m’organiser en vue d’une résistance   assez longue. Je trompe le froid, très vif et très pénible à suppor­ter, en   mettant les pieds dans le sac et en me serrant dans la veste imper­méable à   capuchon.

 

  *

 

 Les heures les plus pénibles pour moi étaient celles où   j'entendais les carava­nes d'alpinistes passer à côté de moi,   causer et disparaître sans m'entendre.



Et pourtant je criais, je vous assu­re   ! Mais la forme de ma crevasse était telle que le son ne   montait pas et qu'il fallut toute la patience des sauveteurs pour arriver à   me retrouver.



Chaque fois que j'entendais causer, je criais, je sif­flais.






Je sus par la suite que mes camarades m'avaient entendu siffler, mais avaient pris mes appels pour des cris de marmottes sans y attacher d'importance.

 


Alors, le silence revenu dans la monta­gne, je restais   plus désespéré qu'avant, réfléchissant à mon sort qui s'annonçait chaque jour   plus précaire.


 

Pourtant jamais je ne m'avouais vain­cu. Je me   disais « il faut lutter » on doit te chercher, on va te trouver, le tout est   de tenir jusqu'à ce jour là ».

 

 

 

*

 Au dessus de ma tête l'ouverture faite en tom­bant   s'élargissait chaque jour. Le qua­trième jour, mon piolet qui était resté sur   le bord et qui m'aurait permis de m'en sortir le premier jour, tomba à côté   de moi.

 


Mais je n'avais plus assez de force pour recommencer le pénible tra­vail   de la taille des marches.

 

Il y a deux soirs, un violent orage éclata.   Heureusement. Un surplomb de glace me permit de m'abriter. Ce matin, le peu   d'espoir que je gardais était parti et avait fait place au découragement,   quand tout à coup j'entendis à nouveau parler au dessus de moi. Mais cette   fois-ci cela semblait tout proche ; c'est alors que je me mis à crier ; le   reste vous le savez.

  


 



 

 

  

   

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

Et maintenant le sauvetage :

       
 

 « Au fond d’une crevasse »

 

 

 
 

Article du Petit   Dauphinois

 

 

 
 

Il l'examina avec attention,   mais plutôt par acquit de conscience, car il n'est pas rare de trouver des   débris de corde dans les glaciers.

 

Toutefois, les deux   hommes voulurent en avoir le coeur net et se concertèrent. Leur parti était   pris, il fallait aller jusqu'au bout.

 

- Assure-moi (attache-moi), dit Pierre à Camille, je veux tout de même   aller voir ce qu'il en est.

 

Au même instant, une   voix sépulcrale, sortie d'on ne sait où, se fait entendre : « Au   secours! »

 

Ravanat a sauté en   arrière. Il se retourne, tout pâle, s'attendant à voir son   camarade Camille Mure exposé à quelque danger.

 

- Qu'est-ce qui te, prend? s'exclame celui-ci, qui n'a rien   entendu.

 

- On crie.

 

- Tu es fou !

 

Mais l'appel reprend,   plus faible, à peine perceptible, semblant venir des entrailles de la terre :   « Au secours ! » répète la voix.

 

- Qui donc appelle?

 

- C'est nioi, Moranges, venez à mon aide!

 

- C'est sûr qu'on va y aller, répond Camille Mure avec flegme ; voilà   quatre jours qu'on ne fait que cela.

 

Rapidement, le guide   plante deux pitons à glace, passe une corde autour de Ravanat qu'il descend   dans la crevasse. La   descente est longue, dix-neuf mètres environ; la paroi est verticale. Pierre   Ravanat arrive enfin sur un pont de neige. Il aperçoit le rescapé   soigneusement calfeutré dans sa veste imperméable à capuchon. C'est Georges   de Moranges. Il a gardé toute sa conscience; seuls, sa pâleur, ses traits   émaciés témoignent des souffrances endurées dans sa prison de glace.

 

Les deux hommes sont   maintenant face à face, se regardant avec stupeur : le sauveteur et le sauvé.

 

- Tu permets que je t'embrasse ? dit celui-ci au guide, avec une émotion   facile à comprendre.

 

Ils s'étreignent de   tout coeur, puis Georges a ce mot délicieux :

 

- C'est drôle, je n'attendais personne aujourd'hui.

 
 

Il l’examine avec curiosité, mais surtout par acquit de   conscience, car il n'est pas rare de trouver des débris de cordes sur les   glaciers.

 

Cependant, les deux guides parlent en­tre eux:

 

- Assure-moi, Paul, dit Ravanel,   je veux tout de même voir ce qu'il en est.

 

Au même instant une voix, sépulcrale, sortie d'on ne   sait où, se fait entendre: « Au secours! »

 

Ravanel a fait un bond en arrière. Il se retourne, tout   pâle, s'attendant à voir son camarade Paul Mugnier en danger.

 

- Qu'est-ce qui te prend, lui   crie Mu­gnier, qui n'a rien entendu ?

 

- On crie ?

 

- Tu es fou!

 

Mais l'appel reprend faible, à peine perceptible,   semblant venir de très profond : « Au secours » dit la voix.

 

- Mais qui donc appelle ?

 

- C’est moi, Labour, venez à mon   secours !

 

- Bien sûr qu’on va y aller,   répond avec flegme Mugnier. Voilà quatre jours que l’on vous cherche

 

Rapidement, le guide plante deux pitons à glace, passe   une corde et descend Ravanel dans la crevasse. La descente est longue - 19 mètres environ - la   paroi verticale.  

 

Le guide arrive enfin sur un pont de neige. Il aperçoit   le rescapé étendu calfeutré dans sa veste imperméable à ca­goule. Labour a   gardé toute sa conscien­ce. Seuls ses traits émaciés, sa barbe hirsute   témoignent des souffrances endu­rées dans sa prison de glace. Les deux hommes   sont maintenant face à face : le sauveteur et le sauvé.

 

- Tu permets que je t'embrasse,   dit-il au guide avec émotion.

 

Puis il reprend par ce mot délicieux:

 

- C'est drôle, je n'attendais   personne aujourd'hui.

 

 

 

 

Enfin, l’admirable dévouement des guides chamoniards :

 

       
 

 « Au fond d’une crevasse »

 

 

 
 

Article du Petit   Dauphinois

 

 

 
 

Il n'y a qu'une voix pour louer la conduite des guides,   la patience admirable qu'ils ont déployée en des recher­ches qui semblaient   sans espoir : une fois de plus, on se dit que ces hommes courageux et dévoués   sont la gloire de la région.

 

 

 
 

L'admirable dévouement de deux guides chamoniards

 

 

 

Comment expliquer l’incroyable similitude entre la nouvelle de J. de Lanoys et l’article de Frison-Roche ?

Le romancier se serait-il livré à un plagiat grossier ?... Sans même prendre la peine de modifier les tournures de phrases ? Possible.

Ou alors, J. de Lanoys[1] ne serait-il qu’un pseudonyme derrière lequel s’est caché un journaliste désireux de s’essayer à un genre nouveau, le roman de montagne ?... Une simple hypothèse…

Frison-Roche ne publiera son premier roman Premier de cordée qu'en 1942, et La grande crevasse, directement inspiré de l'accident de Guy Labour en 1948. En 1935, il était journaliste, et il s'apprêtait à partir pour le Hoggar.

*******

Vous voulez vraiment avoir la nouvelle de  J. de Lanoys dans sa version intégrale?... Allez, je vais la mettre en ligne dans un prochain message. A suivre...


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Commentaires
B
Bonjour, J. de Lanoys est un écrivain populaire qui a œuvré longtemps dans ce domaine. vous pouvez le retrouver facilement sur le site de la BNF où vous pourrez découvrir ses autres pseudonymes Pierre de LANNOIS, Fernand PEYRE, Jacques SAINTAM, AMY-VAR, Jean KERLOR. En espérant vous avoir aidé. Cordialement
Répondre
Y
Bonjour,<br /> <br /> Intéressant. Etes-vous sûr de cette information ? Je n'en ai pas trouvé trace. Pourriez-vous donner vos sources ?<br /> <br /> Cordialement.
Répondre
B
Bonjour, c'est un plagiat, Jean de LANOYS est un pseudonyme de Fernand-Eugène PERIGNON (1872-1957). Cordialement.
Répondre
G
Un plagiat, aussi énorme, semble vraiment trop lourd de conséquences !... Je pencherais volontiers pour l'utilisation d'un pseudonyme. Encore que... On peut se demander pour quelles raisons Frison Roche, n'aurait pu tout simplement publier son récit à la fois dans "Le petit dauphinois" et dans "Guignol"? Des rivalités entre publications en auraient-elles interdit la réalisation? Frison Roche aurait-il dû décider alors, de contourner l'obstacle par quelques changements de tournures sous la plume d'un pseudonyme? Peut-on retrouver les traces de quelques explications?
Répondre
F
Passionnant votre comparaison! Je connaissais les 2 textes mais n'avais jamais fait le rapprochement. Merci.
Répondre
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