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Le blog d'Yves Ballu, Cairn
25 décembre 2022

L'heure des comptes par Christian Greiling, zélote de l'Annapurna.

CG

 

C'est le 20 décembre dernier que le GHM a invité Christian Greiling à faire une conférence (Internet) sur le thème de "Annapurna 1950, un exploit français sous le feu de la cancel culture". L'occasion pour le conférencier de régler ses comptes avec les "complotistes" contre lesquels il a pris la tête d'une croisade exterminatrice. L'occasion également pour la douzaine de participants, dont je faisais partie, de poser des questions. Philippe Regottaz nous a ensuite adressé le message suivant :

Bonjour Yves et Christian,

La conférence d'hier soir était intéressante.

Mais ne faudrait-il pas publier, dans un seul dossier cosigné Ballu & Greiling, les différents articles publiés avant la parution du bestseller en décembre 1951, ainsi que les correspondances et notes de Rébuffat et Lachenal, cela permettrait au lecteur de constater les évolutions (et les éventuelles contradictions) des avis et récits des différents intervenants ? 

Bien à vous.

PR

***

Je lui ai répondu :

Salut Philippe,

Pourquoi pas, l’idée me parait même excellente. Mais en l’état, il m'est difficile de collaborer avec quelqu'un qui m'insulte, m'accuse de malhonnêteté et parle de mes "petites saloperies". Si Greiling 1.0 persiste, je m'en tiendrai là. N'ayant pas beaucoup de goût pour la polémique, je lui laisserai le loisir de poursuivre les "renégats", les "complotistes", les "conspirationistes", les "cabalistes", les membres de la "cancel culture", avec leurs relents de "wokisme". Greiling 1.0 s’érige en « historien », mais il est capable d'insulter, de condamner, de supputer sur les intentions des uns et des autres. Au cours de sa conférence, il a dit : « Un historien ne doit pas faire ça ». Mais je n’ai pas compris si cette recommandation s’adressait à d’autres ou…. à lui-même.

Florilège :

-   "Yves Ballu trop heureux de voir une calomnie supplémentaire frapper l'expédition" (Comment Greiling est-il renseigné sur mes états d’âme ??)

-   Le sommet : "Ballu a longtemps laissé planer le doute sans prendre vraiment parti. L’un de ses objectifs étant de vendre son livre « La conjuration du Namche Barwa (Glénat 2008), qui traite d’une tricherie au sommet et fait le parallèle avec l’Annapurna 1950 […] Son livre commençant à vieillir, il n’est plus vraiment utile de douter du succès de l’Annapurna" (Quelle absurdité ! J’aurais attendu 25 ans avec cette arrière-pensée ! Dans mon roman, j’évoque Maurice Herzog : « Charismatique chef d’expédition, qui a payé si cher cette héroïque victoire française sur le premier 8 000 vaincu par l’homme. ») Où est le doute ?

-   « Ballu a pris ses aises avec la vérité, voire inventé certains passages ». « Les témoignages de Rébuffat sont souvent réécrits de manière acrobatique par Ballu pour en détourner le sens ». Greiling a-t-il trouvé un seul témoignage original de Rébuffat qui ne correspondait pas à la virgule près à la « réécriture » de Ballu ? M’a-t-il demandé de lui fournir une copie des textes originaux de Gaston Rébuffat pour les comparer avec mes citations avant d’avancer cette accusation nauséabonde ? Un historien digne de ce nom l’aurait fait.

-    « La production de Ballu est indigente et comporte un nombre incalculable de mystifications ». Greiling peut-il citer une seule « mystification » ?

Pour le reste, Greiling 1.0 commet un certain nombre d’erreurs :

-  Le contrat signé par les membres de l'expédition (en mars 1950) soi-disant en application d'un contrat signé avec les éditions Arthaud. Sauf que le contrat Arthaud qu'il a montré au cours de sa conférence date de février... 1951! Confronté à cette erreur grossière sur la chronologie des contrats, qui réduit à néant sa démonstration magistrale, il s’embrouille et finit par évoquer un soi-disant « contrat moral » qui n’a laissé aucune trace… Ben voyons…

-     Il affirme que le manuscrit de Lachenal a été caviardé par Lucien Devies et Gérard Herzog. C’est faux : il l’a été par Lucien Devies et Maurice Herzog, les seuls qui ont annoté ce manuscrit (j'en possède une copie que m’a donnée Rébuffat. Cela prouve incidemment que Maurice Herzog n’était pas le seul à posséder ce manuscrit – une évidence). Il s’embrouille encore en expliquant que c’est Gérard Herzog qui a écrit le livre. Soit. Mais cela ne change rien au fait que le caviardage est bien l’œuvre exclusive de Lucien Devies et Maurice Herzog.

-    La confusion (ou la fusion) entre colonialisme et racisme. J’ai en effet évoqué une conquête à caractère colonial, s’agissant d’une expédition nationale, présentée comme telle (avec les drapeaux) sur un sommet vierge. Un argument que j’ai trouvé renforcé par la présentation liminaire de Greiling  sur l’expédition de l’Annapurna que je trouve pertinente : une terra incognita qu’aucune nation n’avait auparavant explorée, le seul sommet qui n’avait jamais été tenté auparavant. Et aussi dans cette confidence de Maurice Herzog (dans « Renaitre ») : « Pour l'alpiniste, son piolet est l'épée du légionnaire ». Le légionnaire n’est-il pas un soldat ? Au demeurant, colonialisme ne me parait pas péjoratif remis dans le contexte de l’époque. Mais en aucun cas je n’ai parlé de racisme. Cela n’a strictement rien à voir.

-    J’ai joué « l’arbitre des élégances » en affirmant que le choix de Maurice Herzog comme chef d’expédition était un choix d’évidence. Pourquoi « arbitre des élégances » ? Je n’ai jamais pensé, ni dit autre chose.

-     J’ai versé « des larmes de crocodile sur les insomnies de Rébuffat ». Pourquoi cette remarque polémique ? Dans la biographie que je lui ai consacrée, j’ai cité des passages de lettres écrites par Gaston Rébuffat à sa femme Françoise pendant l’expédition. Il s’agit donc bien là de Rébuffat 1.0.  On perçoit en creux un personnage inquiet de ses petits bobos, de sa digestion, de ses diarrhées, de ses insomnies, de ses gelures, qui se plaint de ses méchants camarades (en particulier Marcel Schatz, mais pas seulement) : « Je n’ai même pas un ami […] Ils ont l’air si à l’aise dans leur égoïsme. Entre nous, nous n’avons pas d’élan, seulement des politesses nécessaires. Quelle hypocrisie ! ». A travers ces confidences, on imagine que Rébuffat n’a pas toujours été un camarade très agréable : « L’aventure, l’action, le paysage ne m’ont rien apporté […] Depuis que j’ai quitté Chamonix, je suis une machine qui se règle sur les autres, qui fait ce que le chef ordonne, je marche quand on me le dit, je m’arrête quand on me le dit, l’autre jour, j’ai même ciré les chaussures d’Herzog » […] « Ce que j’en ai marre ! ». Greiling aurait pu saluer le travail du biographe qui a eu la chance de découvrir des documents exceptionnels (en particulier le journal de Rébuffat) et qui rapporte ce témoignage à la fois émouvant et d’un grand intérêt : du vécu sur l’instant, de l’authentique. Les autres membres de l’expédition ont-ils adressé des courriers intimes à leurs proches ? Sans doute. Et on y trouverait probablement des témoignages également très intéressants.

-     A propos de la séquence des drapeaux, j’ai rapporté cette confidence de Rébuffat : «Ah, si Herzog au lieu de perdre ses gants avait perdu les drapeaux, comme j’aurais été heureux ! ». Commentaire de Greiling : « Le Messie en question n’était toutefois pas exempt de contradiction si l’on en croit le grand drapeau français qu’il exhibait fièrement dans les Alpes quelques années avant l’Annapurna ». Où est la contradiction du « Messie » ? Sur la photo, Gaston Rébuffat pose avec un commando d’une dizaine de combattants armés, ayant pris le maquis pour défendre nos frontières. Il porte en effet un drapeau français. A ma connaissance, c’est la seule fois où Rébuffat a arboré un drapeau sur un sommet. Comparer les deux photos est une insulte à la mémoire de Gaston Rébuffat. Je ne suis pas là pour la défendre. Mais c’est aussi une grossière méconnaissance de l’histoire. C’est pourquoi je la relève.

-     J’ai également évoqué l’animosité (le mot est sans doute faible) de Gaston Rébuffat vis-à-vis de Maurice Herzog (après l’Annapurna, car avant, ils s’entendaient bien, au point que Maurice Herzog a écrit des chapitres du premier livre de Rébuffat « L’apprenti montagnard » paru en 1946). Mais ensuite, Rébuffat n’a pas supporté « l’héroïsation ». Il était exaspéré de voir Herzog décrit comme « L’homme-roi conduit par une volonté farouche qui s'élève plus haut que tous les êtres de la création » (Marcel Ichac dans « Le messager » du 10 juillet 1953), ou comme le « surhomme en crampon » fustigé par la revue Time à la même époque : « A partir des superbes vues rapportées par Ichac, on a réalisé une histoire qui dégénère en sentimentalisme et fait de Maurice Herzog une sorte de surhomme en crampons ». Il l’a écrit dans de nombreuses notes non publiées (pourquoi non publiées ? Je pense pour ne pas faire scandale, ce dont sa femme Françoise l’a toujours dissuadé, et sans doute aussi conscient que face à Maurice Herzog, il n’aurait pas fait le poids dans les médias) : « Accepter d'être qualifié de héros après l'Annapurna, pour ma part, m'a toujours révolté, et d'une manière générale, m'apparaît comme un grave manquement, par ailleurs lourd de conséquences car il a faussé beaucoup de choses à la déontologie de l'alpinisme ».

-     Enfin, Greiling ne parle jamais de Herzog 2.0. Celui de « Renaitre » qui se mue en Indiana Jones racontant : « Un aigle d'envergure colossale tenta ainsi de m'enlever en m'agrippant dans ses serres » ou « Les serpents venimeux étaient légion. » ou « Tout à coup, je vis un tigre, attiré par l'odeur forte de mes plaies gangrenées, bondir au travers de la baie au-dessus de moi et ressortir par celle d'en face. Il m'avait frôlé de si près que j'aurais pu le toucher en allongeant le bras. » ou ce morceau de bravoure des asticots sauteurs : « Dans la salle d'opération, le Pr. Ménégaux, une vieille connaissance de ma famille, et le Dr Jacques Oudot étaient flanqués d'autres médecins, d'anesthésistes-réanimateurs, d'instrumentistes, d'assistants et d'infirmières. C'était la mobilisation générale. […] Sans tarder, les infirmières, comme les abeilles autour d'une ruche, décollèrent et déroulèrent les bandes Velpeau qui enveloppaient mes membres. Quelques jets d'eau distillée par-ci, par-là, facilitaient la tâche. - Mesdemoiselles, merci. Laissez-moi maintenant, demanda le professeur. Maurice, soyez courageux, je me charge des dernières gazes... Chacun avait les yeux vissés, qui sur mes pieds, qui sur mes mains. Soudain, ce ne fut qu'un cri. Un cri d'horreur ! - Attention ! hurlait-on à la ronde. Il y eut un brouhaha. Médecins, soignants et autres opéraient une retraite précipitée. Une explosion n'eût pas provoqué plus de chaos. Plaqués contre les murs pour se protéger, les visages grimaçaient de dégoût. - Ils sautent ! Ils sautent ! Des asticots énormes, doués d'une vigueur peu commune, brutalement libérés, bondissaient en tous sens. Ils prenaient pour cible ces hommes et ces femmes, et les condamnaient à se défendre. » Ben voyons…

Concernant l’article que j’ai publié dans la revue « La montagne » en 1981, il ne s’agit évidemment pas d’un travail d’historien. C’est un billet opposant deux points de vue qu’on pouvait entendre – je les ai entendus – et que j’ai repris sous la forme d’un dialogue. Il a eu le mérite de rendre public un débat qui existait dans le milieu de la montagne, comme en témoigne Claude Deck, cité par Greiling :"C'est incontestablement Rébuffat, ses amis et anciens clients qui ont alimenté et entretenu l'affaire, mais en restant dans le petit millieu de la montagne, dans l'entre soi et dans le non dit, Ballu est à l'origine des polémiques s'adressant au grand public". Nier ce débat est aussi absurde que d’ignorer l’éclipse de Louis Lachenal dans l’histoire, laquelle histoire n’a retenu que le nom d’Herzog. Cet article a été écrit en 1981, soit trente ans après le déferlement médiatique de l'Annapurna. Peu de gens se souvenaient de Lachenal. Il suffisait d’interroger le grand public.

J’admets tout de même une erreur que Greiling a judicieusement relevée : j’ai affirmé à tort que Rébuffat n’avait évoqué l’Annapurna que dans un livre. C’est faux, il en a parlé dans deux autres ouvrages. Dont acte.

Si Greiling 2.0 est prêt à reconnaitre certaines erreurs, s’il admet que j'ai été le biographe honnête et scrupuleux de Rébuffat et qu'il cesse de me considérer comme son porte-parole, s'il cesse de m'accuser d'avoir travesti, voire d'avoir inventé les propos que je rapporte de Rébuffat, s’il cesse de me traiter de crabe, alors, je suis prêt à co-publier quelque chose avec lui. L’idée me parait même excellente, d’autant qu’il m’est apparu plutôt sympathique lors de sa conférence.

 Yves

 ***

Réponse de Christian Greiling :

Il semble qu'après avoir baratiné pendant des décennies, Ballu 0.0 ne sache plus trop comment se défendre et se ridiculise en s'inventant des rôles différents. "Oui j'ai enfilé les perles mais c'était le polémiste qui parlait, pas l'historien". A pleurer de rire... 😅

Pas eu le courage d'aller plus loin que cette énormité :

Le contrat signé par les membres de l'expédition (en mars 1950) soi-disant en application d'un contrat signé avec les éditions Arthaud. Sauf que le contrat Arthaud a été signé un an plus tard, en... février 1951)! Confronté à cette erreur grossière sur la chronologie des contrats, qui réduit à néant sa démonstration magistrale, il s’embrouille et finit par évoquer un soi-disant « contrat moral » qui n’a laissé aucune trace… Ben voyons…
Je ne m'embrouille pas, petit père, tout est dans mon bouquin : ce contrat définitif, signé le 2 février 1951, après le retour du Népal, fait suite au pré-contrat établi auparavant : « Dès avant le départ, sans assurance de réussite, la FFM signe un accord avec les éditions grenobloises Arthaud pour le récit de l’expédition. »107 C’est d’ailleurs confirmé par Herzog : « Les éditions Arthaud avaient un contrat préalable qui leur garantissait qu’un livre serait écrit – on ne savait pas encore par qui. Pendant un certain nombre d’années […] ils avaient l’exclusivité de ce texte. Et il n’était pas admis de notre côté d’écrire un autre livre, ni aux membres de l’expédition, ni au Comité de l’Himalaya lui-même. C’est ainsi que nous avons tous signé des contrats pour abandonner les droits de ces livres, et s’interdire d’en publier sans autorisation. »Tout ceci est parfaitement corroboré par les archives. La période de cinq ans n’est pas une sombre machination visant à asseoir le statut d’Herzog en réduisant ses compagnons au silence, mais une simple obligation contractuelle exigée par la maison d’édition avant même le départ de l’expédition, comme cela se faisait partout ailleurs. Les théoriciens du complot doivent tomber de haut…

Votre mauvaise foi est indécente. Mais somme toute logique puisque vous essayez désespérément de sauver la face après les multiples conneries que vous avez proférées pendant des années. Maintenant arrive l'heure des comptes et vous paniquez. Pauvre homme, je vous plains...

NB : pas la peine de répondre

 

CG 2

 

 

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